ƒƒ Critique Solveig Deschamps

C’est comment après ?

Question que l’on se pose parfois à la sortie d’une pièce de théâtre. Happy end pour « L’Avare » de Molière. Élise, fille d’Harpagon (Notre Avare) épouse Valère. Marianne, convoitée par Harpagon et sœur de Valère, épouse Cléante (le frère d’Élise). Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. De cette progéniture, il n’est pas question dans la succulente adaptation et mise en scène de Jean Boillot qui dirige depuis 2010 le CDN de Thionville Lorraine. Il crée « Notre Avare » en 2003 et c’est heureux qu’il ait eu l’envie de continuer cette aventure.

Le point d’accroche est dans la trace indélébile que nous laissent nos géniteurs, aimés ou pas. Les jeunes amoureux ont pris de la maturité, la quarantaine, apparemment bien dans leurs godasses même si Marianne et Cléante sont séparés. Harpagon est mort. Et ces quatre-là se retrouvent pour l’anniversaire de mariage d’Élise et Valère. L’action se passe à notre époque dans une petite salle à la déco douteuse semblable aux salles que nous nous sentons obligés  de louer pour fêter les grandes occasions. Fleurs en plastique et disc jockey un peu has been.

Le poids du père

Le cadeau que Cléante offre à sa sœur pour cet anniversaire n’est autre qu’une collerette, ce grand col blanc très prisé au XVIIème siècle et ayant sans doute appartenu à Harpagon. Symbole du père qui va déclencher les souvenirs, les moqueries, les douleurs aussi et de truculentes imitations d’Harpagon. Un huis clos où le texte de Molière va prendre un autre poids, texte entremêlé de leurs propres paroles. Il y a de la vie, de la chair et quelque chose d’incroyablement jouissif et humain dans cette mise en scène.

« Il s’agit d’un mode de récit théâtral que chacun produit quotidiennement quand on doit raconter un événement à une table de bistrot, par exemple : pour camper une personne, on utilise une expression typique, un geste, une intonation que l’on a soigneusement choisie, quatre bouts de sucre pour figurer un espace… » J.Boillot

Il faut dire qu’en cela Isabelle Ronayette et Stéphanie Schwartzbod remplissent le contrat et s’en donnent à cœur joie. Et, à cette drôle  d’époque où parfois on a l’impression que les acteurs sont empêchés de jouer, on ne peut que se régaler.

« Notre Avare» s’inscrit dans la manifestation «  Bourreaux d’enfants » qui propose deux spectacles par soir et je dois avouer que j’aurais aimé arriver à 21H30 ce qui m’aurait permis de savourer pleinement  cette deuxième partie, fatiguée que j’ai été par la première.

Notre Avare
D’après L’Avare de Molière
Recomposition et mise en scène Jean Boillot
Dramaturgie Christophe Triau
Scénographie et costumes Laurence Villerot
Avec Serge Brincat, Philippe Lardaud, Isabelle Ronayette, Stéphanie Schwartzbrod
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h, à la suite de La pluie d’été

Théâtre de L’Aquarium
La cartoucherie
route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Métro : Château de Vincennes – Navette gratuite
Réservation : 01 43 74 72 74
www.theatredelaquarium.net

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