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Critique. “Minuit” mise en scène de Yoann Bourgeois, au Theâtre de la Ville aux Abbesses

Mai 11, 2014 | Commentaires fermés sur Critique. “Minuit” mise en scène de Yoann Bourgeois, au Theâtre de la Ville aux Abbesses

fff Critique de Suzanne Teïbi

Suspendus

© Magali Bazi

© Magali Bazi

A peine arrivés dans la cour du théâtre, l’invitation à l’apesanteur commence. Une performance surprise donne le ton de cette soirée. Yoann Bourgeois, tout habillé dans un haut cylindre rempli d’eau, flotte, danse en apnée, avant de remonter à la surface et de replonger, tandis que Marie Fonte, à l’aide d’une étrange machine, flotte, elle, dans les airs. Ces deux corps se répondent dans un espace qu’ils se sont appropriés et qui laisse les spectateurs ébahis.

Puis on nous invite à entrer dans le théâtre, encore bercés par ce moment de grâce.

Sur le plateau, on devine dans la pénombre plusieurs espaces, une roue, et une harpe éclairée, devant laquelle est assise Laure Brisa. Elle regarde le public, laisse le silence s’installer, et commence à jouer quelques notes qu’elle enregistre et qui deviendront la base de sa mélodie. En réitérant plusieurs fois ce mécanisme de sample, la musicienne ajoute des couches de sons, en enregistre d’autres, puis sa voix. Ça ne semble pas toujours mélodieux, on s’interroge. Et la boucle finale arrive, tous ces sons superposés dans une ultime écoute créent une musique ennivrante. Alors les autres corps peuvent entrer en scène, dans une suite de numéros mettant en jeu les quatre interprètes – corps en équilibre, corps qui jonglent, corps qui tombent ou qui volent, corps agiles.

Autant de tentatives d’approche d’un point de suspension, portées par une grande grâce et accompagnées par la musicienne et parfois par des textes de Yeats, Hölderlin, Levé, Durringer ou Brisa elle-même. Les textes se fondent parfaitement à la proposition scénique, tout se met en place pour la création d’un univers parallèle et étrange dans lequel le spectateur flotte aussi, dans une communion avec les artistes.

Chacun a sa spécialité, son moment, chacun prend une place singulière – en plus de Yoann Bourgeois, Marie Fonte et Laure Brisa, saluons les vibrantes présences de Jörg Müller et Mathurin Bolze.

Solos ou duos. Les propositions sont toublantes, touchantes, parfois très drôles. Ici la jonglerie est surprenante, on nous raconte quelque chose. Pas de message, mais on raconte – c’est sûr – une histoire sensible avec les objets et les corps. Avec le temps et l’espace aussi. L’homme et son trempoline. L’homme dans la roue. L’homme et la femme qui évitent ou jouent avec les objets qui vont et viennent, décomposant l’espace, le recomposant sans cesse, le réinventant.
ici, la dramaturgie du spectacle est le fruit d’une écriture chorégraphique, acrobatique, musicale et textuelle. Un tout qui fait sens avec une grande délicatesse.
Les interprètes sont suspendus dans les airs. Le spectateur lui, reste suspendu à ces tentatives envoûtantes. Yoann Bourgeois a réussi à arrêter le temps.

Minuit

Mise en scène : Yoann Bourgeois
Avec la complicité de : Mathurin Bolze / Laure Brisa / Marie Fonte / Jörg Müller
Musiques : Laure Brisa / Philip Glass
Son : Antoine Garry
Lumières : Jérémie Cusenier
Direction technique : Pierre Robelin

Du 16 au 2 avril 2014
Du mardi au samedi à 20h30 ; samedi 19 avril représentation supplémentaire à 15h ; relâche les dimanche et lundi.

Théâtre de la Ville aux Abbesses
31, rue des Abbesses – 75018 Paris
Métro Abbesses
Réservations : 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

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