ƒƒƒ Critique Solveig Deschamps
©DR
Au pays de Pommerat il fait bon s’y retrouver
On rit, on grince, on y est comme chez nous, et surtout on assiste à un beau moment de théâtre et par les temps qui courent vaut mieux en profiter.
Mon premier Pommerat « Pôles » en 2001 au Lavoir Moderne, puis 2006 « Les marchands » au Théâtre Paris Villette (pour citer les théâtres disparus) « Je tremble », « Pinocchio », « Cercle/fiction »… Et aujourd’hui « La réunification ». Comme à chaque fois il a écrit et mis en scène, comme souvent c’est le désir de travailler dans un espace déterminé qui lui a fait venir les mots de sa nouvelle création. Un espace bifrontal, gradins de spectateurs se faisant face, au milieu l’ère de jeu, un couloir où on y circule vite, où on s’y arrête pour raconter des fragments de vie, un no man’s land où on oscille de la drôlerie au pathétique, du psychodrame à l’ordinaire, de l’amour à la haine et c’est quoi l’amour ? Des fragments d’histoires avec des gens simplement compliqués, des histoires de couples qui se font et se défont, qui se compliquent la vie, et nous de chaque côté voyeurs de nous-mêmes.
« J’ai l’impression que j’ai trouvé presque une aisance, venue sans doute de l’accumulation d’innombrables heures de travail, et aussi de maturité. J’ai envie de laisser cela s’exprimer parce que c’est comme le produit d’un acquis ».
Fragments d’un discours amoureux comme un miroir en miette, noir lumière, toujours ces noirs somptueux d’Éric Soyer qui amènent cette lumière que lui seul peut inventer, et le son de François Leymarie toujours présent et ailleurs, et ces acteurs magnifiques, retenue et démesure de leur jeu. Plein les yeux et plein les oreilles, nous nous reconnaissons dans « La femme qui veut divorcer », « la directrice d’école », « Un homme qui attend sa femme en compagnie d’une autre »… Nous ne nous posons plus la question du mystère du titre… Ici tout peut être bouleversé sans être bouleversant. De l’humour, de l’humour et de la vie.
En sortant de Berthier, il neigeait, j’essayais de polémiquer avec mon amoureux en expliquant que Pommerat faisant dire à une de ses comédiennes « L’amour, ça ne suffit pas », ça voulait dire qu’il ne s’agissait pas d’amour, sur le trottoir j’inventais un fragment amoureux à la façon de … et j’évitais de regarder cette famille assise sur des chaises au dessus d’une bouche d’aération à essayer de se réchauffer, c’était bizarre, ils avaient l’air joyeux.
La Réunification des deux Corées
Une création de Joël Pommerat
scénographie et lumière Éric Soyer
Musique originale Antonin Leymarie
Costumes Isabelle Deffin
Son François Leymarie
Vidéo Renaud Rubiano
Avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Philippe Frécon, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime TshibanguJusqu’au 17 janvier-03 mars 2013 à 20h –Dimanche 15h – Relâche le lundi.
Ateliers Berthier
1 rue André Suarès / 14 boulevard Berthier – 17e
Métro : Porte de Clichy
Réservation : 01 44 85 40 40