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Critique • « Via Sophiatown » par Via Katlehong Dance. Paris Quartier d’Été

Juil 23, 2014 | Commentaires fermés sur Critique • « Via Sophiatown » par Via Katlehong Dance. Paris Quartier d’Été

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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La danse c’est toujours plus que de la danse. C’est ce que démontre avec maestria Via Katlehong Dance… Sophiatown était un quartier multiracial de Johannesburg où se côtoyaient Indiens, Chinois, Africains, Métis, qui en furent expulsés en 1955 avec la mise en place de l’apartheid. Les habitants furent déportés, les Noirs vers Soweto. Le quartier fut rasé et réservé aux Blancs. Mais ce quartier était un creuset artistique et politique intense, les deux allant de pair. Là est née, a évolué, la pantsula, danse syncopée, transcription d’un vécu fait de violence et d’exploitation, expression des rapports sociaux, expérience de l’apartheid. Comme le gumboot, danse des mineurs noirs, à l’origine mode de communication codée usant de leurs bottes et de leurs chaines puis devenue danse en se réappropriant et la détournant la gestuelle de ceux qui les exploitaient. La danse des townships devient ainsi l’expression politique non verbale d’une identité devenue muette sous le joug.

Avoir choisi ce quartier pour leur nouvelle création n’est pas anodin. C’est montrer que l’héritage de Sophiatown, loin de tout folklore, de toute utopie, reste encore sans doute un modèle possible dans la reconstruction de l’Afrique du Sud post apartheid, cette démocratie récente. La mémoire des corps, l’apparente exubérance – qui n’est que faux-semblant – de ces danses délestées de leurs premières réalités, dessinent aujourd’hui un portrait en creux de l’avenir d’un pays certes affranchi mais encore balbutiant.

L’énergie folle des danseurs sur le plateau, énergie incroyable, exprime sans doute le mieux cet espoir. Une vitalité de folie, une rapidité d’exécution virtuose et propre à la pantsula, qui balaient le plateau et la salle, vite emballée, transportée par ce tourbillon époustouflant et généreux. Le step (claquettes) et le tap dance (claquettes percussives) s’y entremêlent et le jazz y fait son apparition. À la musique, à la danse, répondent échos, sifflets et cris. Les corps sont ainsi la mémoire vive de ce pays et ce qui frappe c’est l’incroyable partition de ceux-ci, ce vocabulaire qui en partie, c’est vrai, nous échappe, mais qui témoigne d’une formidable liberté née de la contrainte. C’est justement cette liberté et cette frénésie, ce dynamisme stupéfiant, qui saute aux yeux. C’est une danse qui se fait sensuelle, érotique même parfois, facétieuse, ironique, exprimant un mode de vie et soudain un poing levé, un pied frappé au sol, nous décille brutalement et salutairement sur le combat mené. Oui nous aurions tort d’y voir un simple folklore. Ce qui tenait de la survie participe désormais de la reconstruction d’une culture, d’une identité aujourd’hui enfin affirmée, ouverte vers l‘avenir. C’est cette vitalité-là, éclatante au regard de leur histoire qui bouleverse et vous renverse.

Via Sophiatown
Par Via Katlehong Dance
Direction artistique : Buru Mohlabane
Chorégraphie : Vusi Mdoyi, avec la collaboration de Mpho Molepo et toute l’équipe de Via Katlehong Dance
Costumes : Dark Dindie
Lumière : Alix Veillon
Scénographie et direction technique : David Hlatshwayo
Chant et narration : Nomathamsanqa Baba, Thembinkosi Hlophe
Musiciens : Jackson Vilakazi, Muzi Radebe
Percussions : Tshepo Nchabeleng, Vuyani Feni
Danseurs : Tshepo Nchabeleng, Vuyani Feni, Mandlenkosi Fanie, Boitumelo Tshupa, Thembinkosi Hlophe

Théâtre de la Cité Internationale
17 boulevard Jourdan
75014 Paris

Jusqu’au 3 août 2014
Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 17h, relâche le lundi

Réservations www.theatredelacite.com
www.quartierdete.com
Tel 01 43 13 50 50

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