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Critique • « Dale recuerdos XXVI » mise en œuvre Didier Ruiz au Théâtre Paris Bastille

Avr 28, 2014 | Commentaires fermés sur Critique • « Dale recuerdos XXVI » mise en œuvre Didier Ruiz au Théâtre Paris Bastille

8-ruizdiap4ƒƒ critique de Suzanne Teibi

 

La petite et la grande histoire

Sur le plateau, neuf femmes et hommes entrent. Ils ont tous plus de 70 ans. Ils sont tous non-comédiens. Immédiatement, les corps parlent. Ils viennent face au public, le regardent, puis vont s’asseoir, les uns à côté des autres. Ces neuf chaises pour seuls éléments scénographiques sont à l’image de ce moment de théâtre : percutant de simplicité. Une parole, des hommes et des femmes, des singularités. Chacun est porteur de sa mémoire, de son histoire, de ses souvenirs, de ce qu’il a décidé de partager avec les autres.

C’est une parole très simple, très frontale : chacun, tour à tour, se lève pour raconter un bout de vie – l’histoire de sa naissance, une anecdote liée à son enfance, un souvenir lointain et l’on perçoit alors ses incidences à l’échelle d’une vie.

Petit à petit, les anecdotes, touchantes et troublantes de simplicité, s’inscrivent dans quelque chose de plus grand. La petite histoire prend place, éclaire, constitue ou devient le témoin de la grande Histoire.

 

Au-delà de l’âge de toutes ces personnes – qui a forcément une incidence sur ce qui se dit au plateau – ce qui troublant et qui agit comme un appel d’air, c’est de voir des non-comédiens, aux corps et à la diction qui ne sont pas calibrés pour le théâtre. Voir des corps respirer, réfléchir, parler avec une singularité forte. Ce qu’ils disent ne peut pas ne pas nous parvenir, ne pas nous concerner, tant la sincérité s’impose.

Ces gens sont aussi les témoins et les acteurs d’une génération. L’immigration, les guerres – Seconde Guerre mondiale, guerre d’Algérie – le contexte social, c’est tout un pan de l’Histoire qui nous est donné à entendre à travers ces récits de vie.

 

Fils de, fille de…

Lorsqu’ils se lèvent, tous les neufs, viennent à l’avant-scène et nous disent leur nom, le nom de leurs parents, ou celui de leurs aïeuls, une grande émotion traverse le plateau. Ils sont aussi « fils ou fille de », leur vieillesse n’existe plus à ce moment-là, il y a quelque chose d’atemporel alors.

Didier Ruiz explore ce dispositif de création depuis quinze ans, recrutant des personnages âgées par petites annonces ou dans des clubs du troisième âge. Chaque création est différente, on imagine alors que le lieu – la ville, mais aussi le quartier – dans lequel prend place le recrutement influe sur ce qui va émerger. On a envie de voir d’autres Dale recuerdos, d’entendre d’autres histoires, de voir comment ça parle, individuellement et collectivement, car ces histoires partagées et mêlées les unes aux autres ne manquent pas de dire aussi quelque chose ensemble, de créer une dramaturgie globale.

Didier Ruiz, mû par l’envie « de rendre de nouveau la parole magique et sacrée sur un plateau », touche ici à quelque chose de fort, sans voyeurisme aucun, tout en pudeur.

Dale recuerdos XXVI (je pense à vous)
Mise en œuvre du projet : Didier Ruiz
Assistante : Mina de Suremain
Lumière : Maurice Fouilhé
Photographie : Emilia Stéfani-Law
Avec : Nativité Casas, Jean-Pierre Duplant, Renée Fauguet-Zejgman, Claude Guérin, Jacqueline Gascon, Maurice Marigaut, Michèle Nicol-Colin, Christiane Parrat, Roger Saligny

Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette – 75011 Paris
Métro Bastille
Réservation : 01 43 57 42 14
www.theatre-bastille.com

 

 

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