ƒ Critique de Suzanne TEIBI
Des monstres qui rôdent
Baptiste a trente-cinq ans. Après quinze années d’absence, de désertion, quinze années durant lesquelles il n’a donné aucune nouvelle, le voilà qui revient chez ses parents. Au beau milieu de la forêt. Il emmène avec lui sa femme, Rose. Immédiatement, ses parents les accueillent, et tout se met en place avec une apparente simplicité sous laquelle on peut déjà sentir qu’il se cache quelque chose. Mais quoi ? Effectivement, dans cette maison, ça ne coule pas. Il y a des histoires de famille là-dessous. Chacun a ses secrets, ses blessures, ses fantaisies, son histoire personnelle dans l’histoire familiale. Naît alors la sensation que l’équilibre est fragile, que tout est sur le fil. Qu’à n’importe quel moment, quelque chose peut surgir – à l’instar de ce loup qui rôde autour de la maison-. Mais ce qui vient rompre l’harmonie à laquelle pourrait aspirer cette famille ne vient pas de l’extérieur. Ce sont les parents de Baptiste – chacun à leur manière – qui fragilisent toute tentative de sérénité. Et l’on comprend alors pourquoi ce couple vit en quasi autarcie et pourquoi l’enfance de Baptiste a davantage dialogué avec des êtres imaginaires qu’avec un monde d’adultes au comportement imprévisible. S’ouvre alors un monde où, en matière de mythes familiaux, le fantastique côtoie le réalisme, les fées et les bébés mort-nés ont le même poids et la même importance, les vivants et les morts prennent possession du plateau.
Une belle énergie
La scénographie est simple, dépouillée, efficace. Une table de jardin avec ses chaises. Une balancelle vintage. Une desserte pour les boissons. Un lampadaire que l’on allume et que l’on éteint pour passer du jour à la nuit. Des branches bricolées sommairement pour signifier un espace plus sauvage – les arbres, le puits, le jardin, la forêt-. Les personnages évoluent dans ces espaces. Les codes de jeu sont immédiatement saisissables. Les comédiens restent tous presque en permanence au plateau, qu’ils fassent ou non partie des scènes.
Il y a là une inventivité, un plaisir, une justesse dans le jeu qui emporte. Une jolie circulation au plateau. Il y a aussi une vraie exigence dans le texte, qui montre bien et avec une nécessaire pudeur, la complexité des relations familiales. Louons cette volonté de rester sur le fil, de ne pas en dire trop, de construire peu à peu un environnement qui se dessine de plus en plus anxiogène. Le risque dans ce travail minutieux est que le fil ne soit pas toujours tendu, que la tension ne parvienne pas toujours à se maintenir, et, de ce fait, que ça ne décolle jamais vraiment.
Au beau milieu de la forêt
Création collective dirigée par Katja Hunsinger
Texte Katja Hunsinger
Avec Yves Arnault, Françoise Gazio, Katja Hunsinger, Emilie Lafarge, Christophe Paou
Du 13 au 17 mai 2014
Du mardi au samedi à 20h30
Le Monfort
306, rue Brancion – 75015 Paris
Métro Porte de Vanves
Réservation : 01 56 08 33 88
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