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Critique . « L’Argent » de Christophe Tarkos avec Stanislas Nordey à La Gaîté Lyrique

Sep 20, 2012 | Commentaires fermés sur Critique . « L’Argent » de Christophe Tarkos avec Stanislas Nordey à La Gaîté Lyrique

Critique de Bruno Deslot

L’Argent une valeur sûre ?  Un flux dominant !

La Gaîté Lyrique présente une création associant le multimédia à la beauté d’un texte fort dans un espace inattendu ne proposant pas de ligne de lecture imposée. Une salle rectangulaire au sol recouvert d’un gazon synthétique et au milieu de laquelle une scène, en forme de L, ouvre le chemin des possibles, se prête à la déambulation durant le spectacle. Pas de fauteuils, ni d’assises confortables pour accueillir le spectateur, la verticalité est de rigueur ! Un sentiment de saturation s’installe sournoisement à mesure que le flux financier et le flux verbal du poème dit se croisent dans un chaos multimédia projeté sur les murs de la salle. L’argent, flux dominant qui gère le monde sans support matériel réel, devient un objet construit par Christian Van der Borght, spécialiste des scénographies digitales.

© Emeric Adrian

Le flux devient visible grâce à des données chiffrées projetées sur les murs, des graphiques affichant le coût des aliments, le PIB par habitants de différents pays…l’ensemble formant un champ sémantique faisant écho au texte de Tarkos, dans un rythme haletant, procurant un sentiment d’aliénation, de dépendance virtuelle à un univers dont on nous rapporte les faits de manière étonnamment puissante. Stanislas Nordey martèle les mots de Tarkos avec une violence proche d’une pornographie illustrée et par le propos et par ces effets numériques étourdissants. Il dit un texte fort, à l’architecture solide, selon un procédé qui relève d’une forme de systématisation de la parole et par voie de conséquence, de la pensée : celle régit par l’argent, nerf de la guerre, qui ne fait de nous ni des traitres, ni des êtres avides mais au contraire nous conforte dans la valeur sublime. L’argent charrie un nombre considérable de valeurs, constitutives de notre dignité, de notre capacité à traiter et à trier une somme considérable d’informations dénaturant notre conscience et notre singularité ! Du simple ticket de métro que l’on passe dans la machine au compte off-shore que nombreux possèdent et gèrent comme des magnats de la finance, l’argent est partout et avec lui, cette capacité à tout créer, à tout réinventer…l’argent s’infiltre, « c’est une valeur qui s’infiltre (…) Elle est présente dans toutes les directions infiltrées, elle s’infiltre, elle est présente dans toutes les réalisations, elle se répand dans tous les mouvements de l’esprit, elle s’est infiltrée dans tous les gestes, elle n’est pas restée dans le domaine des jugements, elle est une valeur vivante » comme l’écrit Tarkos.

© Emeric Adrian

Anne Théron n’a pas souhaité faire un spectacle du texte de Tarkos mais le faire entendre, le matérialiser afin de proposer une mise en perspective puissante, dont l’objectif est de questionner le mouvement du flux financier en écho du texte. L’habillage numérique permet lui aussi d’offrir à cette proposition une esthétique qui s’impose comme une force de frappe, un tour de force mené de main de maître. Micro à la main, S.Nordey parcourt la scène pour dire le texte selon des inflexions à couper le souffle. L’ensemble de la performance oscille entre une course effrénée vers l’abîme et une volonté implicite d’un retour au calme. Candide et innocente, Akiko Hasegawa, a quitté son épaisseur ouatée pour s’offrir à la dévoration qu’elle tente de freiner par ses regards interrogatifs, ses interjections, ses échanges en japonais avec S.Nordey. Belle illustration colorée, elle permet de ponctuer le texte dit et d’amener des retours au calme lorsque la course devient trop haletante.

55 minutes de performance à découvrir et à vivre comme une expérience d’exception.

L’Argent

De Christophe Tarkos

Une proposition de Anne Théron, Christian Van der Borght, Stanislas Nordey
Avec : Akiko Hasegawa et Stanislas Nordey
Mise en scène : Anne Théron
Création sonore : Jean reibel
Création Vidéo : Christian Van der Borght
Artiste programmeur, concepteur régie vidéo temps réel : Philippe Boisnard
Création lumière : Benoït Théron
Scénographie : Ania Goldanowska
Régie générale : Amaury Seval
Traduction en japonais : Yukie Nakao

Du mercredi 19 septembre au dimanche 23 septembre 2012

La Gaîté Lyrique
3 bis rue Papin
75003 Paris
www.gaite-lyrique.net

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