article de Nicolas Thevenot
Cela démarre comme un film. On ne peut être plus littéral dans la citation : sur l’immense écran qui couvre l’ouverture de la scène de la grande salle de la MC93 défile un générique sur fond d’étoiles, de planètes, d’astéroïdes, qui annonce, après avoir égrené les noms des acteurs et actrices, Directed by Philippe Quesne. Musique hollywoodienne de space opera.
Une soucoupe volante en forme d’astéroïde, tranchée comme dans un plan de coupe, habitée par quelques astronautes. Leurs mouvements miment l’apesanteur. Ils débarquent sur une planète, en l’occurrence le plateau. Ils se glissent hors de leur vaisseau somme toute très écolo. En combinaison jaune fluo, les voilà au milieu d’astéroïdes qui performent leur petit ballet de montées descentes, sans acide. Leur mission : réenchanter les pierres dansantes de l’espace. Philippe Quesne feint d’oublier combien l’injonction au ré-enchantement a été démonétisée par François Hollande qui en avait abusé dans sa campagne. On voit bien où Cosmic drama voudrait en venir, on sent bien les essais, les tentatives mais il faut reconnaître que la plupart tombent à plat, ce qui n’est pas du meilleur effet pour partir en fusée. Cosmic drama est dans la citation du genre, mais n’a pas l’énergie du pastiche. La joliesse de la petite histoire a des semelles de plomb. La faute à une écriture de plateau poussive où rien ne peut se détacher à part une scénographie surplombante mettant en exergue la virtuosité des jeux d’orgue du théâtre. Ça lorgne du côté du burlesque mais c’est trop timide ou théorique pour que le tout prenne véritablement corps. Ça manque de corps en fait, et c’est embourbé dans des idées sur comment être drôle. On reste donc à terre, atterré, et les rares moments qui semblent pouvoir nous faire rire, ou pour le moins sourire, sont trop rares et dilués pour pouvoir encore nous soulever et nous enchanter. La dramaturgie, il semble y en avoir une, est absconse et doit travailler des degrés qui ne sont pas accessibles au commun des terriens. On reste de marbre comme l’astéroïde qui ne veut plus danser la gigue. Et puis face à la démesure, face à cet objet creux que la mise en scène tente de réanimer et remplir à grand renfort de musiques (y compris la Pathétique), de gags potaches, face aux décombres et aux ruines du théâtre que Cosmic drama semble déplorer alors qu’il en est à l’instant l’artisan, face au vide, il m’apparut comme une évidence que la dernière création de Philippe Quesne pourrait être au spectacle vivant ce que Jeff Koons est à l’art contemporain : une vaine et coûteuse illusion.
Cosmic drama, conception, mise en scène et scénographie de Philippe Quesne
Avec : Raphael Clamer, Jean-Charles Dumay, Annika Meier, Julian Anatol Schneider, Gala Othero Winter
Collaboration artistique : Élodie Dauguet
Vidéo : David Fortmann, Lukas Wiedmer
Lumières : Benjamin Hauser
Dramaturgie : Angela Osthof, Camille Louis
Régie générale : Martine Staerk
Régie plateau : Fabio Gaggetta
Régie lumière : Pierre-Nicolas Moulin
Régie son : Janyves Coïc
Régie vidéo : Nicolas Gerlier
Habilleuse : Viviane Lima
Surtitrage : Marion Schwartz
Production : Elizabeth Gay
Durée : 1 h 40
Les 20, 21 octobre 2022 à 20 h, et samedi 22 octobre à 18 h
MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
9 boulevard Lénine
93000 Bobigny
Réservation : 01 41 60 72 72
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