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Confession inachevée, d’après Marilyn Monroe, mise en scène de Benoît Nguyen Tat, Galerie Joseph

Sep 09, 2019 | Commentaires fermés sur Confession inachevée, d’après Marilyn Monroe, mise en scène de Benoît Nguyen Tat, Galerie Joseph

ƒƒ article de Corinne François-Denève

Confession inachevée (My Story) est un livre constitué des entretiens de Marilyn Monroe, alors âgée de 28 ans, avec le scénariste Ben Hecht. Restés inédits pendant une vingtaine d’années, ils ont été exhumés en 1974 par le photographe Milton Greene, à qui elle les avait confiés, et traduits en français en 2011. La star y raconte les premières années de sa vie : son enfance fracassée, son premier mariage, ses débuts difficiles à Hollywood, sa rencontre avec Joe Di Maggio, son accession au statut de vedette… Marilyn se livre aussi sur son métier de comédienne, sur sa relation avec le public, en des termes touchants que nombre de biographies, et les carnets secrets de Marilyn eux-mêmes (Fragments) ont pu reproduire par la suite. Se donne à entendre la voix d’une femme malmenée (Norma Jean) transformée en une star entièrement fabriquée (Marilyn).

Le théâtre s’est depuis longtemps intéressé à l’icône Marilyn (Fragments de Caroline Ducey, Norma Jean de John Arnold, ou encore Persona : Marilyn de Krystian Lupa), se posant la difficulté de représenter sur les planches une actrice de cinéma dont l’image est connue de tous. La Cie Principe Actif, qui a négocié avec les héritiers de Milton Greene le droit de s’emparer de ce texte, a fait le choix d’un dispositif transmédia. En lien avec la Galerie Joseph, qui accueille deux expositions consacrées à Marilyn (Divine Marilyn et Update Marilyn), ils font vivre cette confession par le biais de projections, de sons, et la présence de deux acteurs en scène, l’une (Stéphanie Sphyras) interprétant Marilyn, l’autre (Jando Graziani) jouant tous les autres, de Tante Grace à Joe Di Maggio. La pièce de théâtre s’insère par ailleurs dans un projet de plus grande ampleur, « Update Marilyn ».

Le recours aux projections permet de voir la « vraie » Marilyn, dans Asphalt Jungle, ou en tournée en Corée, ou photographiée pour le fameux calendrier. Le reste du temps, les images créent un univers fantasmatique qui est censé résonner avec le texte, de façon souvent décalée et anachronique (« likes » des réseaux sociaux pour l’évocation de la popularité grandissante de la star par exemple). Sophistiqué, le dispositif semble parfois gratuit, recourant aux artifices d’une narration très « La La Land », quand le texte évoque parfois des abimes de désespoir et de misère, il est vrai toujours balancé par l’ironie subtile et mélancolique de Marilyn, femme-enfant qui a tout compris très tôt. On se demande parfois pourquoi les comédiens doivent s’échiner à manier d’encombrants éléments de décor. Et il est toujours étrange, par ailleurs, de voir leurs visages troués par les projections, et de devoir lutter pour retrouver le timbre émouvant de leurs voix sous les plages de sons – d’ailleurs tous très bien choisis, et très bien amenés – c’est le jeu du transmédia, toutefois, sans doute parfaitement justifié pour pouvoir convoquer Marilyn.

En Marilyn, par ailleurs, Stéphanie Sphyras est tout à fait convaincante, actrice à la frimousse mutine qui pourrait bien être cette fleur de bitume avant transformation et grands travaux hollywoodiens. La pièce, parfois un peu longuette, avec des moments un peu plus faibles, se laisse voir sans déplaisir aucun, mais sans passion excessive. Toutefois, vers la fin du spectacle arrive le sublime moment de la rencontre, et de la promenade en voiture de Joe et Marilyn. La scène est merveilleuse, le son et la vidéo accompagnant à la perfection le jeu de deux acteurs au diapason de leurs performances, et de la connivence avec leurs personnages : cette Confession inachevée vaut donc d’être vue, ne serait-ce que pour ce moment magique de cinéma et de théâtre.