À l'affiche, Critiques // Comparution immédiate II. Une loterie nationale ?, de Dominique Simmonot, mise en scène de Michel Didym, au Théâtre du Rond-Point

Comparution immédiate II. Une loterie nationale ?, de Dominique Simmonot, mise en scène de Michel Didym, au Théâtre du Rond-Point

Jan 21, 2020 | Commentaires fermés sur Comparution immédiate II. Une loterie nationale ?, de Dominique Simmonot, mise en scène de Michel Didym, au Théâtre du Rond-Point

 

© Éric Didym

 

ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

C’est la deuxième fois que le Théâtre du Rond-Point accueille l’adaptation théâtrale des « coups de barre », publiés chaque semaine par Dominique Simmonot, journaliste au Canard enchaîné, et réunis par le Seuil tout récemment (Coups de barre. Justices et injustices en France).

Comme en 2017 pour Comparution immédiate I, Michel Didym, directeur du Centre dramatique national de Nancy, met en scène dans Comparution immédiate II une inédite sélection de ces chroniques judiciaires et dirige à nouveau Bruno Ricci. Le comédien se transforme brillamment en homme-orchestre de la justice, passant de l’avocat commis d’office au prévenu mari violent ou encore au greffier exaspéré et au président surmené, c’est-à-dire au total près de 50 personnages différents dans 14 nouvelles affaires, reflets à la fois du quotidien itératif de la justice (trafic de stupéfiants, conduite sans permis, violences, vol de chaussures…) et de la spécificité de l’année écoulée (passeurs, gilets jaunes). On est rarement dans la caricature car malheureusement la réalité dépasse souvent la fiction en matière judiciaire, à l’exception peut-être de la figure du Procureur, qui comme en 2017, est systématiquement dépeinte comme conservatrice, peu empathique, moralisatrice.

Comme en 2017 encore, le décor est le même : une barre-bureau en aluminium (métal sans doute choisi à dessein pour symboliser la froideur de la justice et qui recouvre également le fond de scène), à la fois barre des témoins et bureau du Président, sur lequel s’accumulent les dossiers, quand ils ne descendent pas violemment des cintres du théâtre ou du plafond des tribunaux, dont la vétusté est parfois énoncée par un commentaire bref mais sans appel comme pour le Tribunal de Nanterre : « Immeuble qui a très mal vieilli entouré d’un filet de sécurité ».

Comme en 2017 toujours, toutes les paroles prononcées dans la pièce sont authentiques, seuls les prénoms ont été changés, ainsi qu’un avertissement l’enseigne aux spectateurs dès la première minute. Les 14 affaires sélectionnées sont entrecoupées par quelques lettres ou écrits de personnes emprisonnées à la suite de ces comparutions, dont la poésie est maladroitement accompagnée par une musique un peu mièvre qui les met tout sauf en valeur et qui tranche avec ce qui fait la force de la pièce : l’absence de complaisance, de dissimulation, de pathos, de politiquement correct.

La « dimension de dérision grotesque et tragique qui nous saisit de honte » comme l’indiquait le célèbre avocat Henry Leclerc au milieu des années 1970 à propos des flagrants délits, ancêtres des comparutions immédiates, est toujours d’actualité, même si le public rit beaucoup à l’écoute des dialogues présentés devant lui, et en dépit de la lourdeur de certains cas (comme celui de cette mère violente avec ses trois enfants les enfermant et les marquant au fer à repasser) et des peines prononcées (dans le cas de la mère dont on apprend in fine qu’elle est policière, 2 ans dont un ferme, peine pouvant éventuellement être aménagée, mais rejet de la non inscription au casier en raison de la gravité des faits).

L’intention est claire : souligner les travers d’une justice expéditive, qui ne place pas sur un pied d’égalité celui qui est jugé à 14 h ou à minuit, à Versailles ou à Toulon, mais qui démontre systématiquement le fossé qui sépare les accusés de leurs juges et défenseurs, à commencer par celui du langage. Cela n’est évidemment pas inédit. Gide l’avait déjà montré dans ses Souvenirs de Cour d’assises et plus encore Giono dans ses Notes sur l’affaire Dominici.

Ainsi s’ajoute à la première interrogation de 2017 (« Une justice sociale ? ») qui reste donc toujours centrale, celle de Comparution immédiate II en 2019 : « Une loterie nationale ? ».

Si le spectateur n’avait pas la réponse en entrant, il est peu probable qu’il ne l’ait toujours pas en sortant…

 

 

© Éric Didym

 

Comparution immédiate II de Georges Naudy

Mise en scène Michel Didym

Assistant à la mise en scène Yves Storper

Scénographie David Brognon

Collaboration à la scénographie Stéphanie Rollin

Lumières Sébastien Rébois

Création sonore Michel Jaquet

Costumes Eléonore Daniaud

Décor Atelier de construction du Centre dramatique national de Nancy Lorraine, La Manufacture

Avec Bruno Ricci

 

Du 8 janvier au 2 février 2020

A 20 h 30, du mardi au samedi, à 15 h 30 le dimanche

 

Durée 1 h 15

 

 

 

Théâtre du Rond-Point

Salle Roland Topor

2 bis avenue Franklin D. Roosevelt

75008 Paris

 

Réservation 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

 

 

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