© Simon Gosselin

ƒƒƒ Article de Corinne François-Denève

Rosalind n’a pas de chance : elle est la fille d’un duc banni. Dans son malheur, elle est toutefois épaulée par sa cousine Célia, à qui elle est liée par un amour plus grand que nature. Les deux jeunes femmes vont prendre la route de l’exil, ou plutôt de la forêt d’Arden, espace onirique où on croise des philosophes mélancoliques, des belles méprisantes, des chevriers amoureux, un serpent, une lionne, et quelques beaux princes fort opportunément également bannis. Rosalind a d’ailleurs une autre qualité, étonnante et bienvenue en la circonstance : elle peut passer assez facilement pour un garçon. C’est donc en « Ganymède », flanquée d’une Célia devenue « Aliéna », qu’elle s’enfonce dans la forêt, nouvel échanson des dieux accompagné d’une « autre », (presque) elle-même – fille ou garçon, comme il vous plaira.

Puisque « à votre guise » est le maître-mot de la pièce, Christophe Rauck s’emploie à proposer une version « libre » de la pièce. Le plateau est stylisé à l’extrême, simple couloir gris et brumeux qui laisse deviner une forêt, représentée par quelques animaux empaillés, que les humains font se mouvoir de temps à autre. Un cerf majestueux domine l’espace. Les acteurs glissent sur la scène, s’y jettent, s’y couchent, s’emparent de micros pour proférer certaines répliques, les délaissent pour en murmurer d’autres (les passages au micro, explique Rauck, assurent une sorte de postsynchro). Résonnent parfois des chansons, baroques ou pop (magnifique travail de Marcus Borja), qui font le liant entre les scènes. Les transitions sont vigoureuses – la pièce originale fait courir nombre d’intrigues, avant de les réunir finalement – Rauck a d’ailleurs coupé certaines scènes, et en a parfois changé l’ordre.

Sur scène, les costumes sont modernes. Les deux cousines arborent des robes chatoyantes, avant de se changer en « Friday wear » une fois installées dans la forêt. Les jeux de mots, souvent grivois, de Shakespeare (ici rendus dans la traduction de Déprats) sont parfois « expliqués » de façon clownesque, à l’aide de gestes fort précis. Pierre de Touche ressemble à un Danny de Vito qui aurait quitté Hollywood pour se retrouver à Malakoff – c’était avant les grandes grèves. Cécile Garcia Fogel, en Rosalinde-Gaynmède, trouve un jeu burlesque – une salopette androgyne à la Florence Foresti, une démarche « virile », pour camper son amoureuse travestie. Mais c’est aussi à elle que revient le droit de réciter l’épilogue : l’actrice trouve alors des accents fort émouvants pour revendiquer, en un sens, le droit des femmes (à l’époque de Shakespeare, le rôle était évidemment tenu par un homme) à parler, jouer et aimer – comme il nous plaira.

Comme il vous plaira, de William Shakespeare

Traduction   Jean-Michel Déprats
Mise en scène  Christophe Rauck

Avec   John Arnold (Jacques le mélancolique, Charles), Jean-Claude Durand (le duc Frédéric, le duc Aîné), Cécile Garcia Fogel (Rosalinde), Pierre-François Garel (Orlando), Pierre-Félix Gravière (Olivier, un seigneur, Silvius), Maud Le Grévellec (Célia), Jean-François Lombard (le Beau, un forestier, Denis, Amiens), Mahmoud Saïd (Adam, Corin, le curé), Luanda Siqueira (Phébé, un seigneur, William), Alain Trétout (Pierre de Touche)

Direction musicale  Marcus Borja
Dramaturgie  Leslie Six
Scénographie  Aurélie Thomas
Costumes  Coralie Sanvoisin assistée de Peggy Sturm
Lumières  Olivier Oudiou
Son  Xavier Jacquot

Durée  3h | 1^e partie : 1h50 – entracte 20 min – 2^e partie 50 min

Du 28 mars jusqu’au 13 avril
Mercredi, jeudi, samedi 19h30
Mardi, vendredi 20h30
Dimanche 16h
Relâche les lundis et dimanche 1^er avril

Théâtre 71
3 place du 11 novembre
92240 Malakoff

01 55 48 91 00

billetterie@theatre71.com
http://www.theatre71.com

Be Sociable, Share!

•