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Cœur instamment dénudé, texte et mise en scène de Lazare, à la MC93, Bobigny

Mar 01, 2022 | Commentaires fermés sur Cœur instamment dénudé, texte et mise en scène de Lazare, à la MC93, Bobigny

 

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Cœur instamment dénudé est un soulèvement. Alors que l’endormissement de notre époque n’a rien à voir avec un conte de fées et menace de virer au cauchemar à tout moment, Cœur instamment dénudé est cette meute de mots qui tirent sur leur laisse et s’échappent bien loin du sens convenu et de la catastrophe dans une déflagration libertaire. C’est une horlogerie de théâtre de tréteaux, merveilleuse et minutieuse de faits et gestes, de chansons qui affirment chacun à leur façon l’héroïsme du plateau, l’acte en jeu saisi comme un brandon de désir. Poésie n’est pas un vain mot, mais un gros, tant il est ici rempli de l’élan vital de celui-ci, l’écrivant, Lazare, et de ceux-là, brandissant, acteurs, chanteurs, musiciens, tous à la fois. Ce soulèvement, cet enlèvement, telle Europe sur le dos du taureau, je l’ai vécu, chevauchant le maelström en perpétuelle recomposition qui donne forme et vie à la scène, emporté par la musique qui est comme une souveraine inspiration insufflant de bout en bout ce Cœur instamment dénudé. Il est rare d’être ainsi déplacé au point de ne pas savoir ensuite l’expliquer. On peut alors simplement témoigner de ce qui nous a traversé : un vent furieux dont les dimensions et la puissance semblaient dépasser largement celles du théâtre. Une réjouissance infinie, inespérée.

Lazare a conçu ce projet, perché (sans jeu de mots) sur le toit d’un théâtre en province pendant le confinement. Partant du mythe de Psyché et Cupidon, il a réécrit avec sa joyeuse troupe cette fable du désir amoureux, refondant le mythe dans le contemporain le plus prosaïque : Psyché vient de la Cité de béton, Vénus roule en Cadillac, et Cupidon terminera comme stripteaseur dans un bar.

Mais disons-le tout court : ceci est un pré texte. Le feu, ce désir qui porte Cupidon vers Psyché n’est pas moindre que celui qui anime le poète et les acteurs dans l’embrasement de la scène : un amour du jeu et de la représentation. Faisant feu et théâtre de tout bois. Celui-là même qui nous brûle dès les premières notes, dès les premiers mots. Il faut voir ce Cupidon, boudiné dans sa chemise blanche, avec son arc, et sa cape dorée. Et sa fraise. Sautillant, virevoltant. Et Psyché battant dans son saladier des œufs imaginaires, faisant monter une irrésistible samba en neige. D’où vient ce transport de plaisir ? Probablement de cette vie qui déborde, de cette jeunesse qui s’empare des bijoux de famille, de ces mots qui ne sont que les alibis d’un jeu infini, et par là même ces mots devenant plus vrais que nature (« je m’exhibe invisible », « je désinfecte les affects »), inventant leur propre nature, voilà, c’est dit, il y a quelque chose d’absolument démiurgique dans Cœur instamment dénudé, un geste artistique qui n’est pas si éloigné du grand barattage de l’univers selon la mythologie indienne, recyclage éternel des formes et des citations, le petit chat est mort, E.T., le grand rideau rouge, Jacques Demy, Vincent Macaigne… sans jamais échouer dans le méta discours abstrait. Non, les formes et les citations agissent, sont réactivées, sont inflammables, énergiques. Elles ne sont plus muséales, elles sont diablement vivantes.

Cœur instamment dénudé serait la transplantation au plateau d’un cœur affolé, mais bien vivant, pulsant son sang chaud. Comme un chant défroqué, il n’obéirait qu’à sa propre parole. C’est à Artaud que je pensai alors et à son injonction à être « comme des suppliciés que l’on brûle et qui font des signes sur leur bûcher ».

 

© Jean-Louis Fernandez

 

 

Cœur instamment dénudé, texte et mise en scène Lazare

Avec Anne Baudoux, Ava Baya, Laurie Bellanca, Ella Benoit, Paul Fougère, Louis Jeffroy, Loïc Le Roux, Veronika Soboljevski

Collaboration artistique : Anne Baudoux

Assistanat général et conseil chorégraphique : Marion Faure

Création musicale coordonnée par Laurie Bellanca et Véronika Soboljevski avec Louis Jeffroy, Ava Baya, Ella Benoit et la participation de Paul Fougère, Loic Leroux

Création sonore : Jonathan Reig

Création lumière : Kelig Le Bars

Scénographie : Olivier Brichet

Costumes : Virginie Gervaise

Régie générale : Bruno Bléger

Régie plateau : Yoan Weintraub

Régie lumière : Alexandre Rätz

Habillage Marion : Xardel

 

Durée 1 h 35

Du 23 février au 3 mars 2022 à 20 h sauf samedi à 18 h et dimanche 16 h

Relâche le lundi

 

 

MC93 — maison de la culture de Seine-Saint-Denis

9 boulevard Lénine

93000 Bobigny

Tél : +33 (0)1 41 60 72 72

https://www.mc93.com

 

Tournée :

Le Grand-T – Nantes

Du 9 au 11 mars à 20 h sauf vendredi 20 h 30

https://www.legrandt.fr

 

 

 

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