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Clôture de l’amour, texte et mise en scène de Pascal Rambert, Théâtre 14, Paris

Avr 25, 2024 | Commentaires fermés sur Clôture de l’amour, texte et mise en scène de Pascal Rambert, Théâtre 14, Paris

 

© Marc Domage

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Clôture de l’amour est un texte écrit et mis en scène par Pascal Rambert et présentant, en deux « volets », la dernière bagarre d’un couple se séparant. Un couple a toujours, pour le moins, un peu de mal à mettre fin à son histoire, un petit claquement de doigts et hop ! Déménagement et nouveauté. Non. Donc il faut chercher mille preuves encourageant cet événement, mille preuves de la culpabilité de l’autre, là, en face, plus du tout à côté, sinon la fin du monde est plus terrible encore.

Un homme et une femme, Stan et Audrey, les prénoms sont les « vrais », se hurlent dessus, encore. Dans ce sens-là, Stan, puis Audrey. Apparemment ensemble depuis un petit bout de temps, ce n’est pas une liaison de rien du tout qui s’assassine. D’où cette accumulation de coups de poing, de gifles, de ripostes. C’est le post déchirure, ce sont les coups de balais, l’aspirateur, pour être certain de la Fin, pour bien tout secouer et s’assurer qu’il ne reste rien. Blesser encore.

Lui débute donc. Ils sont tous les deux dans ce décor vide, juste des murs blancs. Ils sont loin l’un de l’autre, de temps en temps se rapprochent, pour être sûr qu’Audrey, puis Stan, sera bien sous cette pluie de reproches. Ils se placent sur une ligne, sur des remparts dont ils tentent à peine de se défaire. Tout est déchiré en deux parties donc, comme deux textes, cela tombe bien. Stanislas Nordey commence, hurle, accuse. Tente parfois de se rapprocher de cette silhouette en face de lui, qui ne bouge pas, reste droite, presque. Il vide des années et des années de maudits petits cailloux dans les chaussures. Elle est là, debout, les larmes présentes ou bien s’évadant, mais elle reste droite. Quasiment une heure. Puis c’est à Audrey Bonnet de répondre à Stanislas Nordey. Pour passer le flambeau, curieusement des gamins débarquent et une petite chanson quasi scolaire nous explique la fin du monde entre ces deux-là.

Audrey Bonnet bouge, parle, pleure. Explose, elle aussi. Et d’une façon bien plus forte. Ce n’est pas l’actrice que nous avons là, mais le personnage, l’histoire. Stanislas Nordey reste un peu trop comme un bon acteur en train de bosser, cela se sentait ici où là, imperceptiblement mais tout de même. Nous nous rappelions alors où nous étions, que le public était très jeune, a ri très souvent au début puis a été conquis par le silence. Cette petite impression disparaît totalement avec le jeu d’Audrey Bonnet, elle quitte « pour de vrai » son amour, elle en souffre réellement, s’arrache de lui. Elle n’est pas actrice mais personnage. Elle nous terrifie presque, nous transporte à nos disputes lointaines, à nos fins d’un monde. Nos Clôture de l’amour.

Nous avons comme un psychopathe plongé dans la réalité, face à une femme dans l’image de l’amour, son sens et sa vérité menacé par un premier degré. Elle est plus forte, vivante, sincère. Elle vibre, lui tente de bander. Il reste loin d’elle alors qu’elle s’approche. Leurs hurlements sont d’une différence terrible. Les derniers soubresauts d’une guerre entre muscles et cheveux longs, cette lenteur de la rupture, sa douleur. La violence pour être sûrs de l’explosion, le terme est ici évident. Comme une explosion en pleine falaise, des rochers qui s’effondrent, d’autres pierres qui jaillissent. Un psychopathe face à une femme anéantie ? Ils parlent différemment des enfants. Une image floue chez lui, réalité chez elle. Ils évoquent le sexe, matériel contre beauté. On voit dans la salle quelques couples qui tremblent, se resserrent ou tentent de s’éloigner, coincés par le texte et les sièges. Le même texte sur scène et dans la salle, ici où là ?

Nous sommes face aux images de l’avant et de l’usure, de l’explosion. Aucune tentative de se rattraper, l’attention est morte, lasse. Stan reste axé sur son nombril, la preuve, lorsqu’Audrey parle il finit par se recroqueviller sur lui-même, pour tenter de ne plus être atteint. C’est elle qui gagne en disant combien elle a perdu. Je t’aime, sois donc à mes pieds, salope. Je t’aime, je suis à tes pieds, ordure.

Le passage avec les petits chanteurs est une pause, une respiration, oui. Mais cette chanson mignonnette est en désaccord avec le spectacle. Tout comme les coiffes en plumes bleues à la fin. Le sens ? Pas celui des plumes mais de cet instant ? Nous faire redescendre ? Mais du coup on chute vers le réel, trois pas en arrière d’un seul coup. Peut-on trouver ici un symbole particulier, sauf celui de permettre une très belle et curieuse photo pour l’affiche ? Les plumes de l’ange de l’amour mort ?? Les plumes bleues laissent le spectateur un brin dépourvu, départi de cette si belle violence. Détails. Bravo aux deux, et des applaudissements debout pour Audrey Bonnet.

 

© Marc Domage

 

Clôture de l’amour, de Pascal Rambert

Mise en scène par Pascal Rambert

Avec Audrey Bonnet et Stanislas Nordey

Lumières : Pascal Rambert et Jean-François Besnard

Régie générale et lumières : Olivier Bourguignon

Parures : La Bourette

Musique : arrangement d’Alexandre Meyer de la chanson Happe (Alain Bashung-Jean Fauque) avec l’aimable autorisation des éditions Barclay/Universal

Chœur interprété par la chorale de la Cité scolaire François Villon, Paris 14e, sous la direction de Clémence Labarthe

 

Clôture de l’amour a été créé au Festival d’Avignon le 17 juillet 2011 et a reçu depuis :

Le Prix du théâtre public au Palmarès du Théâtre 2013-Dithea

Le Prix de la Meilleure création d’une pièce en langue française par le Syndicat de la Critique 2012

Le Prix de littérature dramatique du Centre national du Théâtre en octobre 2012

 

 

Du 23 avril au 4 mai 2024

Durée du spectacle : 2 heures

Mardi, mercredi, vendredi à 20h

Jeudi à 19h

Samedi à 16h

Autour du spectacle, à l’issue de la représentation :

Jeudi 25 avril, rencontre avec l’équipe artistique

Samedi 4 mai, Karaoké Chansons d’amour 

 

Théâtre 14

20 avenue Marc Sangnier

75014 Paris

Réservation 01 45 45 49 77

www.theatre14.fr

 

 

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