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Chroniques Pirates, de Paul Balagué, MC 93

Déc 13, 2021 | Commentaires fermés sur Chroniques Pirates, de Paul Balagué, MC 93

ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Une fois les longs escaliers franchis pour arriver à la Nouvelle salle de la MC 93, des policiers en tenue invectivent les spectateurs qui arrivent au compte-goutte, leur demandant de se presser, contrôlant leurs mains, les interrogeant au hasard une fois assis. C’est donc la contextualisation imaginée par la Compagnie en Eaux troubles pour mettre le public en condition d’assister à une sorte de conte mêlant des faits historiques et un récit imaginaire avec des personnages appartenant aux deux univers se situant trois siècles plus tôt. Un petit condensé d’histoire(s) de pirates qui résonnerait avec l’état d’urgence, les gilets jaunes, les insurgés et autres vagabonds des temps modernes.

Si le personnage principal Tristan Deslandes, paysan exproprié, n’a jamais existé, il croise des figures historiques de la piraterie sur sa route qui l’a conduit de La Rochelle à Nassau aux Bahamas en passant par la Louisiane. Charles Vane, Rackham, mais aussi deux femmes, Mary Reed et Anne Bonny, aux tempéraments exceptionnels.

Le propos principal de Paul Balagué, auteur et metteur en scène, semble être d’opposer la violence et la tyrannie de la puissance publique officielle à l’organisation démocratique et égalitaire des communautés de pirates et par là montrer que la démocratie n’est pas toujours où on l’attend et qu’elle peut surgir là où on ne l’attend pas. Pourquoi pas ? La déconstruction des stéréotypes pour repenser notre histoire à travers ses paradoxes et zones d’ombre a toujours du bon.

L’énergie des comédiens de Chroniques Pirates est manifeste, quelques images travaillées avec une belle lumière forment d’esthétiques tableaux, l’humour omniprésent suscite sourire ou rires selon la personnalité de chaque spectateur, la poésie du one man show central du remarquable Lucas Dardaine étonne, autant d’éléments qui participent à créer une belle tranche de théâtre populaire au sens le plus noble qu’on puisse lui donner.

Toutefois, l’ensemble manque un peu d’unité, la langue, les costumes, la proposition artistique, semblent hésiter souvent entre plusieurs registres, qui nuisent à la cohérence générale du spectacle. Il ne faut pas grand-chose pour transformer cette proposition joyeuse de Chroniques Pirates en un spectacle plus abouti, qui un peu plus resserré dans sa durée, et plus attentif à ses transitions (notamment de la bande son), entraînera encore plus efficacement son public, auquel la troupe se mêle et avec lequel elle interagit fréquemment, dans un plaisir partagé.