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« C’est Noël Tant pis » de Pierre Notte, au Théâtre du Rond-Point

Déc 12, 2014 | Commentaires fermés sur « C’est Noël Tant pis » de Pierre Notte, au Théâtre du Rond-Point

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

p183763_2 © Claire Fretel

« J’ai deux fils et ils me crucifient le soir de Noël »

C’est Noël, ça sent le sapin. Pierre Notte trousse une comédie noire et vacharde, grinçante, aux répliques assassines et acides bien senties. Ça crépite sec comme une bûche dans l’âtre, ça fait des étincelles et bientôt il y a le feu au sapin, la maison brûle. Une comédie décalée, loufoque et tragique. Voilà, disons que ça commence comme une comédie et que ça se termine en tragédie existentielle. Ce serait plus juste. Quoique… Pour résumer reprenons de mémoire une réplique : « Ce n’est pas Noël, c’est la Saint Barthélemy ». Oui, c’est un joyeux et terrifiant massacre où nul pour notre bonheur n’est épargné. Pierre Notte reprend à son compte le trop fameux « Familles, je vous hais. » Et le résultat est ô combien explosif.

Un soir de Noël, donc. Le père, mal assuré sur son escabeau, prépare le sapin. La mère se ronge les sangs. Déjà, ça s’engueule à demi-mot. Les frustrations rances explosent en rafale comme des bulles d’air dans une boisson gazeuse. Arrivent les deux fils et « la pièce rapportée », la belle-fille, femme du cadet. Commence la Saint Barthelemy. La grand-mère disparaît. On la retrouve nue sous la table. Aux urgences, autour du lit de mamie qui se meurt, ce n’est plus la Saint Barthelemy mais le 11 septembre. Tout explose. De retour de l’enterrement, le fils cadet se pend. Se rate. On se réconcilie autour de la corde. Ou presque…

Pierre Notte dessine une galerie de portraits au vitriol. Des solitudes, des frustrations, des non-dits, des mensonges, qui rongent les individus et contaminent la famille confite dans la haine cuite et recuite. La famille, ce désastre. On se déteste, on s’aime, c’est du pareil au même. On se réconcilie pour mieux se déchirer à belle dent. Un cercle infernal. Ils sont monstrueux, tous, pathétiques et si ordinaires dans leurs névroses exacerbées, diverses et variées. Pierre Notte a l’écriture alerte et vive, un sens de la répartie formidable. C’est vachard au possible mais toujours léger, jamais grossier. Les répliques fusent, pétaradent, explosent, c’est un festival. Pierre Notte nous surprend même à déstructurer sa pièce. Qui volontairement tourne en boucle, se retourne sur elle-même. Les répliques sont reprises mais augmentées, amplifiées, développées. L’effet est garanti. On n’avait pas tout dit, alors on enfonce le clou bien profond. Et ça fait encore plus mal. On rit de tant d’horreur balancée. Parfois, presque par inadvertance, s’échappe un peu, trop peu, de tendresse. Bien vite balayée. On chante aussi comme une respiration absurde, incongrue, dans ce champ de bataille et de ruine familiale. C’est étrange mais avec Pierre Notte on sait que l’incongruité fait partie naturellement de l’individu. Enfin, de voir des acteurs, tous formidables et au diapason, jubiler de se foutre sur la gueule avec autant d’allant et de sérieux, d’incarner avec justesse toujours ce qui pourrait devenir vite outrancier, est un sacré plaisir qui ne se refuse pas. C’est Noël tant pis tant mieux !

C’est Noël tant pis
texte, musiques et mise en scène Pierre Notte
Scénographie Natacha Le Guen de Kerneizon
Assistanat à la mise en scène Claire Fretel
Costumes Colombe Lauriot Prévost
Lumières Marc Torrente
Arrangement des sons et des musiques Paul-Marie Barbier
Avec Bernard Alane, Brice Hillairet, Sylvie Laguna, Chloé Olivères, Renaud Triffaud

Du 10 décembre 2014 au 10 janvier 2015 à 21h

Théâtre du Rond-Point
2 bis av. Franklin D. Roosevelt – 75008 Paris

Réservations : 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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