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Ce que j’appelle oubli, de Laurent Mauvignier, mise en scène de Sophie Langevin, Théâtre Le 11, Festival d’Avignon

Juin 21, 2025 | Commentaires fermés sur Ce que j’appelle oubli, de Laurent Mauvignier, mise en scène de Sophie Langevin, Théâtre Le 11, Festival d’Avignon

 

© Bohumil Kostohryz

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Ce que j’appelle oubli a déjà débuté pendant que nous nous installons dans la salle, oui, si on regarde bien, quelque part derrière ces deux panneaux de grandes bandes verticales de plastique transparent, tout au fond, une silhouette est là, immobile, bloc de concentration, le même qu’on a tout à l’heure surpris devant le théâtre, un homme seul, vêtu de noir avec une veste imperméable sombre, les yeux fixés vers un avant inexistant, pour lui, et appelant la concentration à l’aide. Oui, c’est exactement ça. Les lumières plongent vers le sombre, le silence se fait et cet homme avance. Il va nous raconter sa mort, dans un supermarché, lorsque quatre vigiles vont le passer plus qu’à tabac alors qu’il venait de boire une bière, certes sans avoir l’idée de la régler en caisse, il ne pouvait pas, il n’avait rien en poche et n’avait même pas réalisé qu’il « volait », commettait un crime épouvantable et devait donc être traîné dans l’arrière-boutique et passé à tabac. Jusqu’à ce que sa vie s’enfuie. Ce que j’appelle oubli, a été librement inspiré à Laurent Mauvignier, auteur de ce texte, par un fait divers ayant eu lieu à Lyon en 2009.

Cet homme sombre devant nous est ce voleur assassiné, cet homme paumé qui a eu soif et n’a pas réfléchi. On peut se dire que ce n’est pas parce qu’on a soif qu’il faut aller se servir, etc. Certes. Mais ce n’est pas non plus parce qu’une bière disparaît qu’il faut massacrer le coupable. C’est ce que nous raconte le narrateur, dans une phrase sans fin, sauf celle de la lumière qui s’éteint, anéantie. Il parle à son frère, tente d’imaginer comment sa mère a pu apprendre cette nouvelle. Il essaie de nous faire comprendre, à nous sagement assis en face, l’immensité de cet événement, sa folie insaisissable. Quatre hommes, un chef et ses sbires, tombés du Moyen-Âge dans une petite superette vengée pour une de ses bière bue, privée de tout espoir ou possibilité de se voir passer en caisse.

Luc Schiltz est cette âme abandonnée qui nous raconte cette folie meurtrière. Elle a tout vu, elle y était avant d’être condamnée à s’enfuir vers on ne sait où. Un musicien est là, soutient cette tension, la souligne. Et l’épouvante, lentement et sûrement dégouline sur les murs noirs, sur la peau de Luc Schiltz. On se dit que c’est trop, que c’est incroyable. Non. Ce que j’appelle oubli veut simplement expliquer que nous n’y penserons plus dans trois semaines. D’une certaine façon ce n’est pas plus mal, nous deviendrions fous. Mais cette petite âme, elle n’est pas d’accord. Elle explique la violence, comme parfois cette dernière s’emballe et ne sait plus rien d’elle, tue simplement pour une bière bue dans un supermarché. Quatre contre un.

Parfois on a envie de dire stop, de rallumer la lumière et de retrouver le mois de juin. Pourquoi pas. Le trop est entré dans la salle. Il sait lui aussi asséner des coups, il explique l’étonnement de mourir massacré pour une bière. Bien installé on se dit que ça suffit, les détails étonnés pleuvent sur scène. Ce que l’on a du mal à appeler jeu est si fort, juste, que l’étouffement menace. La folie court les rues, le monde. Sophie Langevin l’illustre avec cette mise en scène, nous dit d’ouvrir un peu plus les yeux. Sans falbalas, sans rapidité idiote. La justesse, la justice. L’évidence crue. Un très bon travail, décor, musique, présence. Et la réflexion qui s’installe. La mémoire pour Ce que j’appelle oubli.

 

© Bohumil Kostohryz

 

Ce que j’appelle oubli, de Laurent Mauvignier

Mise en scène de Sophie Langevin

Avec Luc Schiltz

Mise en scène : Sophie Langevin

Dramaturgie : Youness Anzane

Composition musicale et jeu : Jorge De Moura

Scénographie et costumes : Sophie van Den Keybus

Lumière et régie plateau : Jef Metten

Collaboration à la chorégraphie : Emmanuela Iacopini

Assistanat mise en scène : Jonathan Christoph

Administratrice de production : Rébiha Djafar

Chargé de diffusion : Olivier Talpaert, En Votre Compagnie

 

Du 5 au 24 juillet 2025

11h45

Relâche les 11 et 18 juillet

Durée: 1h15

 

11.Avignon

11 boulevard Raspail (près du cloître St Louis)

84000 Avignon

T+04 84 51 20 10

www.11avignon.com

contact@11avignon.com

 

Sélection du Luxemborg en Avignon 2025, avec le soutien de Kultur | lx – Arts Council Luxembourg et de la ville de Luxembourg

 

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