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Cavalières, conception et mise en scène d’Isabelle Lafon, théâtre de La Colline à Paris

Mar 08, 2024 | Commentaires fermés sur Cavalières, conception et mise en scène d’Isabelle Lafon, théâtre de La Colline à Paris

ƒƒ Article de Sylvie Boursier

Au bord des larmes sur les saluts, Isabelle Lafon avait-elle douté aller au bout de son message intime au public, elle qui avoue parler et signer cheval, normal pour une ancienne entraîneuse de trotteurs !

Cavalières est un dialogue épistolaire entre quatre femmes de milieux et d’âges différents qui acceptent de cohabiter avec Madeleine, une jeune handicapée dont il faut prendre soin. On ne saura pas grand-chose de leur vie d’avant, juste qu’elles partagent avec Denise, l’instigatrice du projet de colocation, un rapport au cheval.

« Je déteste raconter une histoire qui est prévisible et fausse, je déteste connaître mon thème avant de vraiment commencer. J’aime découvrir ça en travaillant » disait John Cassavetes à propos de Husbands, ou trois hommes en cavale échangeaient le temps d’une fugue. Dans Cavalières également on rencontre le contraire de ce que l’on apprend en cours de scénario, pas vraiment de péripéties, des personnages à peine esquissés et de très longs échanges par lettres sur le quotidien des quatre femmes entre les champs de courses et l’accompagnement de l’invisible Madeleine. Chaque moment semble trouvé en avançant lors des répétitions et pourtant il n’arrive pas sans raison. Les chevaux ont des drôles de nom, mouton noir ou aigle noir, bref quelque chose qui porte la poisse et pourtant, ils gagnent ! Les quatre amazones aiment s’écrire et lire face public leurs missives aux drôles de dédicaces truffées de post-scriptum, placardées sur des post-it. Isabelle Lafon met en lumière l’humour, la poésie, les rêves et l’aplomb de ces cavalières qui nous regardent droit dans les yeux, papillons de nuit scotchés aux phares des projecteurs.

Voilà un spectacle qui ne caresse pas le public dans le sens de la crinière et nous met dans la confidence entre silences, adresses fougueuses aux spectateurs, respirations et épilogue délicat sur une chanson de Maria Tanase, chanteuse roumaine emblématique des années 1950.

Isabelle Lafon, qui joue Denise, ne met pas en scène une pièce, n’adapte pas un auteur, elle part à la rencontre de ses partenaires et crée une relation frontale avec elles sans bienveillance, avec l’envie d’en découdre et de faire partition commune en groupe. Sa dramaturgie infiniment libre s’arrache à tous les formatages et à tous les conformismes, elle joue de sa maladresse et s’excuse de ne pas donner une fin au spectacle, comme s’il y avait eu un début, chère Isabelle !

Un bel attelage de quatre magnifiques comédiennes qui n’ont pas froid aux yeux au théâtre de La Colline, allez les voir.