ƒƒ article de Florent Mirandole
Faut-il faire le procès de nos parents ? Ce pourrait être le thème transversal qui réunit les deux spectacles Catherine et Christian (la genèse) suivi de Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon. Le point de vue de ces deux pièces est subjectif, c’est à travers les yeux des enfants que l’on assiste à une rupture entre les générations. Rupture naturelle, c’est la mort qui frappe les individus dans la première pièce, rupture idéologique dans la deuxième, avec le procès de mai 68. Qu’elles soient subies ou provoquées, ces ruptures laissent les personnages les nerfs à vif, épuisés, abattus, révoltés. Le lien avec nos parents apparait ici comme un ferment inépuisable de conflits et de rancoeur, où les personnalités finissent inévitablement mises à nue. Si les deux troupes produisent deux pièces très différentes, elles se rejoignent dans leur volonté d’éclairer le présent avec les spectres du passé.
Catherine et Christian (la genèse) est une étape de création destinée à préparer un spectacle programmé au théâtre Gérard Philipe à l’automne 2015. La pièce, composée de 2 scènes, montre alternativement la mort du père de famille, puis de la mère. Spécialiste de l’improvisation, le Collectif In Vitro met ici en scène la réaction des enfants, des conjoints et des amis dans les heures qui suivent l’annonce. La troupe semble particulièrement aimer faire se percuter les personnalités complexes, les confronter à leurs démons lors de grands rassemblements. Après avoir exploré le malaise aujourd’hui de la génération mai 68, le cadre de la famille était tout désigné pour à nouveau mettre en scène les démons du passé. Présentée comme une répétition de la pièce à venir, la pièce ne fait qu’esquisser leur présence. Toutefois un détail insignifiant semble suffire à dévoiler des années d’oubli, une intonation dégoupille une histoire d’amour enfouie que l’on soupçonne vertigineuse. Ce n’est pas un hasard si c’est à l’occasion de la mort de la mère qu’une des filles retrouve un ami d’enfance particulièrement cher. Le talent de la troupe est de réussir à introduire cette tension palpable en quelques mots. Le collectif se sert notamment de ce que le choc de la mort met à nu les personnalités, affute les haines recuites et ravive les passions oubliées, pour rendre le climat explosif. Grâce au talent des comédiens, il en ressort quelques personnalités particulièrement fortes et attachantes. Rendez-vous à l’automne prochain pour connaître l’issue finale.
L’affrontement que propose L’Avantage du doute est à l’inverse complètement assumé, étalé tout au long de la pièce. La troupe va jusqu’à déclarer la guerre à la génération de mai 68. L’ennemi est même nommé, c’est Simon. Jeune américain dans les années 1960, Simon vit successivement la révolution hippie américaine, puis la joyeuse révolution estudiantine française de mai 68, avant de connaître des aventures amoureuses capables de faire pâlir d’envie le plus austère des jansénistes. D’abord écouté et envié, Simon va devenir à l’issue d’une réunion de famille la cible de sa fille à qui elle va reprocher de vivre dans le passé, d’ignorer ses problèmes pour se réfugier dans ses souvenirs. Construit comme une suite de situations très différentes, cette pièce un peu foutraque n’en demeure pas particulièrement jouissive. Le cours de matraque s’avère particulièrement drôle, et utile pour ceux qui douteraient encore de l’efficacité de la matraque contre un ananas. De même, l’irruption d’une dispute amoureuse au milieu de la pièce fait complètement dérailler la pièce, et amène un peu d’imprévu au cour trop sage que semblait prendre la pièce.
Si le procès de mai 1968, de cette génération pseudo libertaire qui refuse la cinquantaine passée de laisser les rênes du pouvoir, n’est pas forcément nouveau, le collectif réussit par contre à peindre avec justesse, et humour, le flou artistique dans lequel se débat la génération actuelle. Bien sûr le chômage, le SMIC puis la précarité sont autant de coins enfoncés dans le doux rêve soixante-huitard. Mais l’absence de revendication claire et le repli individualiste des générations actuelles sont intelligemment soulignés. Porté par 3 jeunes actrices sur-vitaminées, cette pièce particulièrement originale et loufoque se veut d’abord un exercice d’autodérision. Efficace et hilarant.
Catherine et Christian (la genèse)
Dirigé par Julie Deliquet
Avec Julie André, Gwendal Anglade, Eric Charon, Olivier Faliez, Pascale Fournier, Magaly Godenaire, Julie Jacovella, Jean-Christophe Laurier, Agnès Ramy, Richard Sandra, David Seigneur et Catherine Eckerlé et Christian DrillaudTout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon
Spectacle conçu par Simon Bakhouche, Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas et Nadir Legrand
Avec Simon Bakhouche, Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas
Dans le cadre de Notre temps collectif, du 4 au 7 juin 2015
Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette – 75011 Paris
Réservation 01 43 57 42 14
www.theatre-bastille.com
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