ƒ article de Denis Sanglard

© Comédie de Genève 2015 © Marc Vanappelghem

Appollon offra à Cassandre le don de divination. Elle se refuse à lui, il lui crache dans la bouche. Cassandre ne sera jamais comprise ni entendue. Cassandre, opéra parlé -monodrame- de Michael Jarrel, inspiré du texte éponyme de Christa Woolf, interroge la figure de la prophétesse troyenne prisonnière des Atride confrontée à sa propre mort. Texte crépusculaire et mélancolique où Cassandre se souvient de Troie, de la guerre, de son amour pour Enée. De son impuissance devant le drame qu’ elle devine et ne peut empêcher. Réflexion sur le mensonge qui mène à la guerre, Hélène est un leure, un mensonge politique qui déclenche le conflit entre grecs et troyens. Et devant cette imposture qui mène à la catastrophe devinée Cassandre oppose son refus, un « non » obstinément répété. Dans ce « non » est sa liberté absolue qui la condamne. Cassandre c’est aussi l’histoire d’une solitude tragique, d’un personnage enfermée dans une malediction, prophetesse impuissante, enfermée dans son refus du mensonge. Cassandre, c’est Fanny Ardant. Présence fébrile, magnétique, sur laquelle repose l’équilibre délicat de cet opéra où la musique influe sur la parole, son débit. Le texte se plie à la partition, intégré à celle ci, dirigée par Jean Deroyer. Pas de chant donc mais un phrasé singulier dont Fanny Ardant fait sien, de sa voix grave qu’elle module avec subtilité et sans excès. Légérement amplifiée, cette voix devenue reflexive, méditation, épouse la pensée de Cassandre, tantôt en mouvement ample et large et sans lyrisme, tantôt affolée où le débit s’accèlére. Et dans cette contrainte de la partition imposée, qui conditionne le personnage, Fanny Ardant trouve son chemin, guidée par le fil ténue de la mise en scène d’ Hervé Loichemol. Une mise en scène honorable et sans excès, sans effet, sans génie, plateau nu, où Fanny Ardant déambule, tourne en rond, prisonnière de cette mise en scène pour le moins lâche. Reste une actrice à la présence fébrile et magnétique, robe noire ourlée d’or, qui refuse à son personnage la grandeur tragique, ni la partition ni le texte ne le permettent, mais lui offre une dimension humaine, une fragilité qui frappe et happe. Fanny Ardant révèle la femme amoureuse et engagée derrière le personnage mythologique. Ce coeur qui, dépouillé désormais de tout, apaisé, bat pour la dernière fois et se souvient.

Cassandre musique de Michael Jarrel
D’après un texte de Christa Woolf
Direction musicale Jean Deroyer
Avec le Lemanic Modern Ensemble
mise en scène Hervé Loichemol
Scénographie et lumière Seth Tillet
Son  David Poissonnier
Costumes Nicole Rauscher
Traduction Alain Lance, Renate lance-Otterbein

du 18 au 21 octobre à 20h
Dimanche 22 à 16h

Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Square de l’opéra Louis-Jouvet
17 rue Boudreau
75009 Paris
réservations 01 53 05 19 19
www.athenée-theatre.com

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