© Frédéric Buira
ƒƒ article de Hoël Le Corre
En 2017, Catherine Camus, publie la correspondance de son père Albert Camus et de Maria Casarès. Pas moins de 865 lettres, réunies en 1300 pages ! Il faut dire que ces deux amants-là se sont écrit, parfois plusieurs fois par jour, de leur première rencontre, le 6 juin 1944 jusqu’à la disparition brutale d’Albert Camus, le 4 janvier 1960. Une correspondance dense donc, oscillant entre l’ardeur de l’amour et la banalité savoureuse du quotidien de ces deux monstres sacrés. Une correspondance aussi ancrée dans les évènements de la grande Histoire, deux décennies où l’Europe est secouée par la fin de la guerre et les décolonisations. Une correspondance, enfin, où l’on croise les grandes figures artistiques et intellectuelles que sont Jean Vilar, Gérard Philippe, Sartre, ou encore Serge Reggiani. En adaptant quelques 170 lettres, Jean-Marie Galey, Teresa Ovidio rendent autant hommage à ces deux personnages complexes qu’ils nous offrent le tableau d’une époque riche et mouvementée. Mais ce qui est mis à l’honneur dans cette Géographie amoureuse sont justement les sentiments qui lient l’écrivain tourmenté et l’actrice pleine d’humour et de désir. Au vu de ces deux-là, on pouvait s’attendre à une écriture lyrique et passionnée, et nous entendons avec délectations les mots valser de l’un à l’autre dans des phrases magnifiques telles que celle de Camus : « depuis 15 ans, tu n’as pas changé ma vie. Tu es ma vie.” Malgré les doutes, les éloignements et les obstacles, ils ont su faire vibrer leurs corps autant que leurs mots et nous entrons dans leur intimité avec d’autant plus de délectation que les comédiens incarnent avec intensité ces célèbres amoureux. La mise en scène d’Elisabeth Chailloux, faite de rapprochements et d’éloignements, même si elle peut paraitre quelque peu redondante, illustre bien la distance géographique qui sous-tend cette relation. La scène et les escaliers de la Piccola sont utilisés avec intelligence. Et même si on aurait peut-être aimé profiter aussi de quelques instants moins bavards, plus sensuels pour nous laisser rêver à ce couple, les phrases nous emportent dans ce tourbillon de sentiments.
Au-delà de la relation amoureuse, on découvre aussi le portrait de deux êtres complexes : les tourments, les caprices, voire le machisme d’un Camus instable; le regard plein d’ironie de Casarès sur ses contemporains mais aussi les interrogations et les inquiétudes d’une actrice pourtant tellement désirée. Un beau moment de théâtre d’où on ressort enchanté d’avoir rencontré un peu plus ces deux personnalités attachantes.
© Frédéric Buira
Camus-Casarès, une géographie amoureuse, d’après la correspondance Albert Camus – Maria Casarès (1944-1959)
De et avec: Jean-Marie Galey et Teresa Ovidio
Mise en scène : Elisabeth Chailloux
Lumières : Franck Thévenon
Son : Thomas Gauder
Chorégraphie : Sophie Mayer
Durée : 1h20
Du 6 au 29 janvier 2022
Vendredi et samedi à 19h30
Dimanche à 14h30
La Scala Paris
Salle Piccola
13, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Réservations : 01 40 03 44 30
www.lascala-paris.fr
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