À l'affiche, Critiques // « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire, texte lu par Olivier Borle, au Théâtre de l’Opprimé

« Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire, texte lu par Olivier Borle, au Théâtre de l’Opprimé

Avr 01, 2015 | Commentaires fermés sur « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire, texte lu par Olivier Borle, au Théâtre de l’Opprimé

ƒ article de Florent Mirandole

Bandeau-cahier-retour1-768x893Le « cahier » est une œuvre de jeunesse du poète martiniquais Aimé Césaire, où se retrouvent déjà les thèmes vitaux qui vont irriguer son œuvre. C’est aussi une œuvre pionnière pour le mouvement de la « négritude », mouvement intellectuel qu’il a participera à créer. Mais d’abord, ce texte rédigé dans l’exaltation et la fureur de la jeunesse est une rupture esthétique. Encore étudiant, Aimé Césaire déploie pour la première fois son style, unique et explosif. Mêlant termes créoles, lyrisme et métaphores suffocantes, Cahier d’un retour au pays natal est un texte fascinant par ses inventions et son rythme. Olivier Borle réussit à faire ressentir toute la saveur du texte en y apportant notamment sa propre exaltation.

Les descriptions des « maisons pataudes » et des individus au « sang impaludé » n’auraient pas autant de force s’il ne se tenait pas derrière, debout, un homme révolté et intransigeant. Dans le sillage de Toussaint Louverture, Aimé Césaire clame dans le « Cahier » son humanité, son humanité d’homme noir, pierre de touche du futur mouvement de la « négritude » qui réveillera bientôt de larges pans de l’Afrique et des Caraïbes. Le « Cahier » donne d’ailleurs l’opportunité au lecteur d’accompagner l’écrivain dans la maturation de cette pensée politique, à mesure qu’Aimé Césaire raconte son retour dans son île. C’est peut-être ce qui retient le plus l’attention, le refus de la victimisation et l’extrême dureté avec laquelle le poète juge ses contemporains. La force des images, les descriptions de cette population portée par « le désir inquiet de se nier » frappent l’imagination, et semblent réveiller les consciences aussi bien des dominés que des dominants.

Alors que le spectateur chancelle sous les coups portés par le texte, la mise en scène ne lui laisse pas la possibilité de s’échapper dans des décors rassurants. Froid et métallique, le mur du fond est simplement là pour recevoir les griffes de mots qu’Olivier Borle trace à la craie. Ce choix du dépouillement est entièrement assumé par le comédien, permettant de ne pas « faire obstacle au bon déroulé de la pensée » selon le théâtre. La langue est effectivement seule sur scène, brute et brutale. C’est peut-être le seul travers de l’interprétation d’Olivier Borle. Porté par la force du texte, le comédien fait peu respirer son texte, si ce n’est lors d’une courte anecdote sur la lâcheté au quotidien racontée par Aimé Césaire. Le ton très emphatique, voire exalté du comédien perd parfois le spectateur dont la capacité d’émerveillement ou de fascination s’émousse au bout d’une heure. Il n’en reste pas moins que cette pièce permet de ressentir dans sa chair un texte foisonnant, radical, magnifique.

Cahier d’un retour au pays natal
Mise en scène et jeu Olivier Borle
Collaboration artistique Clément Carabedian
Décor Benjamin Lebreton
Lumière Stéphane Rouaud
Assistant à la mise en scène Sven Narbonne
Régie Germain Languille

Du 31 mars au 4 avril 2015 à 20h30
Relâche le 2 avril 2015

Théâtre de l’Opprimé
78 rue du Charolais 75012 Paris
Metro Reuilly Diderot
Réservations au 01 43 40 44 44
www.theatredelopprime.com

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