© Fanchon Bibille

ƒƒ Article de Sylvie Boursier

« Etant donné que le temps n’est pas pour moi de l’argent et que l’argent ne fait pas le bonheur, j’ai tout à gagner à perdre mon temps » : de qui est-ce ? Desproges ? Devos ?

C’est du Cami, un grand déjanté dadaïste qui, faute de devenir toréro, fit dans l’humour. Fondateur-directeur du journal Le petit Corbillard, destiné à distraire les employés des pompes funèbres de Paris il assoit sa réputation de feuilletoniste humoristique, avec des titres loufoques (La Fille du pétardier, Les Amours d’un Hun et d’une Hune, Drames de la vie courante, Pour lire sous la douche, etc.).

Poètes, vos papiers ! Au Théâtre de la Tempête on tranche le lard sous le signe des désespérés anonymes rigolos, dont le fameux Cami mais aussi Daniil Harms, Jakob van Haddis, assortis de quelques sceptiques joyeusement tristes (Melville, Pessoa, Kafka notamment). Le tout est un cabaret pataphysique qui se fout de la mode. On a des gendarmes qui courent après des voleurs, des morts, des ressuscités, des masques, des gueules cassées, des squelettes, des revenants aux regards vitreux, des penseurs décomposés. Les artistes de la Tempête, content des histoires à dormir debout, s’amusent à nous surprendre, en attendant la secousse finale. Quinze comédiennes et comédiens changent de tête, d’âge, de sexe, en deux coups de cuillères à pots, retrouvant l’enfance de l’art que l’on n’aurait jamais dû quittée. Ils annoncent la fin du monde et dans un fou rire tragique, armés de leurs pistolets de foire, défendent becs et ongles le droit à l’hilarité générale. Les saynètes mêlent le cruel à l’absurde, le réel au fantastique ou à l’onirisme pour dénoncer la violence du monde. On a particulièrement apprécié le philosophe dépressif qui tente de se réveiller du cauchemar d’exister et « s’est vidé de tout le vide du monde », Psschiit in the beach, façon Coquillages et crustacés ou encore le paradis au terminus des prétentieux à la mode Audiard de l’inimitable Bruno Blairet.  Les clowns Pssitt et Pchutt (remarquables Ludmilla Dagbo et Catherine Vinatier) surfent dans le cirque de la vie sur des cartoons de cinéma muets.

Le public, au milieu d’un cirque qui rappelle le théâtre de tréteaux avec estrades et couloirs de lumière, ne sait plus où donner de la tête. Trois heures c’est un peu long et inégal mais festif en diable, par les temps qui courent, ça fait du bien, on y boit, on y chante, on pourrait même y danser et après tout, le pire n’est jamais sûr, comme disait Cami « comme on devient sourd, on n’entendra pas sonner sa dernière heure ».

  © Fanchon Bibille

Cabaret néopathétique pssitt et pchutt dans le cirque de la vie, d’après Cami, Daniil Harms, Kafka, Hanna Krall, Melville, Tchekhov

Mise en scène de Clément Poiré

Scénographie : Erwan Creff

Lumières : Guillaume Tesson

Costumes : Hanna Sjödin

Musique : Stéphane Gibert

Avec : Bruno Blairet, Sebastien Bravard, Ludmilla Dabo, Marine Déchelette, Sylvain Dufour, Myriam Fichter, Stéphanie Gibert, Delphine Hecquet, Jeanne Lepers, Nicolas Liautard, Sidney Ali Mehelleb, Laurent Ménoret, Sacha Vilmar, Catherine Vinatier, Pascal Zelcer et à l’image Victor Hugo Dos Santos Pereira

Spectacle immersif avec repas volant – menu unique

Durée : 3h

Du 11 au 28 septembre 2025, du jeudi au samedi à 20h, dimanche à 18h

Théâtre de la Tempête

Cartoucherie, route du Champ-de Manœuvre

Paris 75012

Réservation : 01 43 28 36 36

www.la-tempête.fr

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