À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements, Festivals // Cabaret La sirène à barbe, dans le cadre du Festival Everybody, au Carreau du Temple, Paris

Cabaret La sirène à barbe, dans le cadre du Festival Everybody, au Carreau du Temple, Paris

Fév 20, 2025 | Commentaires fermés sur Cabaret La sirène à barbe, dans le cadre du Festival Everybody, au Carreau du Temple, Paris

 

© Jean Decaux

ƒƒƒ article de Denis Sanglard 

Le cabaret, en ces temps où la réaction la plus rance et le conservatisme le plus décomplexé se fait de plus en plus entendre, est un lieu de résistance affirmé. Là, le politiquement incorrect, l’insolence bravache, les corps affranchis de toutes normes, ces corps utopiques selon Foucault, ces corps jouissant d’une liberté absolue dans la réinvention de soi, sont l’épicentre aigu d’une révolution artistique et politique, quoiqu’on en dise. Un formidable pied de nez à la bienséance mortifère, à la morale étriquée, à la norme sociale sclérosée que certains souhaiteraient intangible. Le cabaret et ses artistes affranchis démontrent combien la pluralité et la diversité sont une réalité contemporaine se refusant aux diktats passéistes. Aujourd’hui plus que jamais, devant le révisionnisme de certains, homophobes et masculinistes sans états d’âme, qui d’un simple décret effacent l’existence de communautés sexuelles au nom d’un prétendu wokisme et d’une théorie du genre qui n’existe pas plus que de beurre en branche, devenu le bouc-émissaire d’un pouvoir politique ultra-libérale – c’est de l’autre côté de l’atlantique mais ça se rapproche fissa – le cabaret s’affirme résolument et, plus que jamais, demeure un espace où la résistance s’organise, joyeuse et frondeuse, vision satirique d’un monde en proie au chaos. Plumes, sequins et paillettes n’oblitèrent jamais ce qui se joue réellement en ces lieux et derrière l’exubérance et la folie pointe parfois une inquiétude lucide, une acuité sensible au monde que le rire partagé exorcise.

Il y a plus de 200 cabarets désormais en France, ce n’est plus l’apanage des grandes agglomérations. Le cabaret La sirène à barbe, implanté à Dieppe, petit port normand, est de ceux-là. Une histoire de résilience, un formidable pied-de-nez en réponse à l’intolérance crasse. C’est parce qu’il fut la victime d’une violente agression homophobe que Nicolas Bellenchombre, aka Diva Beluga, en réponse bravache et après une dépression et trente kilos pris, a fondé ce lieu qu’il anime avec faconde et rondeur, une safe place queer où la liberté d’expression et la tolérance ne sont pas de vains mots évidés de tous sens. Drag-queens, drag-kings, artistes burlesques, circassiens, chanteurs et chanteuses expriment chacun ce droit fondamental à être ce qu’il est, se foutant comme de l’an quarante des préjugés, se réinventant dans une fluidité de genre abrasive d’une belle et salutaire impertinence. Règne ici l’insolence et l’affirmation crâne de soi, la fierté d’être, certes, mais aussi la bienveillance et, souhait de l’hôte de ces lieux, la joie toute bête et rare de partager un espace de liberté absolue et sans prévention aucune. Les numéros sont des classiques du genre, revisités comme toujours entre poésie et parodie ; torch-song, extrait de comédies musicales, chansons à texte, danses burlesques et numéros de cirques… Diva Beluga, Sweety Bonbon, Ma Lily, Erwan, Alonso Gyn, Odette Lünn, Miss Tara Jackson, Kara Van Park, toutes et tous, derrière le fard appliqué avec art et du haut de leurs stilettos vertigineux ou de leurs agrès suspendus, ont un foutu talent qui impressionne et vous fait frissonner, et sous la perruque gaufrée et laquée, un esprit aussi caustique que mordant. Qu’ils soient invités de ce festival qui célèbre la diversité des corps dans ce qu’ils ont d’éminemment politiques et d’(im)pertinents allait naturellement de soi. Le passage à la scène, hors du cabaret, est toujours un peu périlleux, délicat. Ce qui fait le cabaret, sa particularité intrinsèque et sa fragilité, est ce rapport singulier, très étroit, entre la salle et la scène, cet interstice perméable et poreux où tout est permis. Là, tout passât crème, les sirènes du port de Dieppe eurent vite fait de chavirer chacun des spectateurs… La salle, évidemment mise à contribution, gentiment bousculée, fut vite au diapason qui ne boudait pas son plaisir, loin de là, où le rire fut parfois soufflé par une émotion surgissant sans crier gare, impromptue.

 

© Jean Decaux

 

Cabaret La sirène à barbe, direction artistique Nicolas Bellenchombre

Avec : Nicolas Bellenchombre (Diva Beluga), Maxime Sartori (Sweety Bonbon), Erwan Le Gaillard (Erwan), Alonso Ojeda (Alonso Gyn), Aurélie Decaux (Ma Lily), Elodie Lunoir (Odette Lünn), Christophe (Miss Tara Jackson), Wain Douglas (Kara Van Park)

Avec l’aimable participation de la marraine du cabaret, Fabienne Thibeault

Régisseur général : Arthur Delamotte

Chief stage manageuse et costumes : Amandine Lenlaye

Perruques et costumes : Danielle Finot

Direction de production et costumes : Christine Pawlak

Administration : Mathilde Lambert

Régie et transport : Daniel Finot / Marc Bellenchombre

 

Vu le 14 février 2025 au Carreau du Temple dans le cadre du Festival Everybody

 

La Sirène à barbe

3 place nationale

76200 Dieppe

Réservations : 07 56 95 31 63

 

Be Sociable, Share!

comment closed