© Hervé
fff article de Denis Sanglard
Au Cirque Electrique, le Cabaret Décadent présente son nouvel opus, Vice. Et le vice ici est vertu qui ajoute aux 7 péchés capitaux un huitième, le cabaret, désormais antre de tous les fantasmes inavouées. Présentée par la toujours mal embouchée Corrine, madame Loyale et maître de cérémonie, ou monsieur Loyal et maîtresse de cérémonie, allez savoir tant elle se fout du genre comme de l’an quarante, qui, avec une gourmandise féroce, du public ne fait qu’une bouchée qu’elle admoneste au mégaphone pour bien se faire entendre. Gourmandé, malmené, pilonné, celui-ci masochiste et consentant, bien entendu, en redemande, à se demander s’il n’est pas venu pour ça aussi, prendre en bon soumis une correction bien sentie et un plaisir non feint. La Corrine, LA Corrine parce que dans son genre fluide, réversible et déglingué c’est une diva assoluta d’une foutue insolence, d’un naturellement sale caractère et surtout d’un sacré talent subversif, qui n’a pas son pareil pour vous chauffer à blanc une salle de son humeur vacharde et de son humour à froid. Reine tyrannique en son domaine, la piste du Cirque Electrique est avec évidence son royaume et notre enfer.
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Car c’est un véritable sabbat punk et destroy qu’elle préside et présente, entre deux sketchs et chansons, avec sa gouaille infernale et son panache urticant. Ici les circassiens et performers, créatures de tous poils, d’une beauté à nous damner, ne font pas dans la délicatesse ni la dentelle. Foin des paillettes et des sequins. Chaînes, colliers de chiens, corsets, shaps, strings et bottes, ne sont pas de simples accessoires mais l’affirmation crâne d’une identité, queer et cuir, un coup de pied au derch à la morale benoite et confite en ses certitudes, un geste de résistance propre au cabaret. C’est diablement provoquant, provocateur, sans bonne manière et brut de coffrage, qui donne le ton et signe chaque numéro d’un érotisme ardent, mordant et d’une sensualité âpre et astringente. C’est un poil vulgaire, oui, et parfaitement assumé, et d’une superbe élégance rêche et crasseuse qui fouette les sangs et fait rougir les peaux. Et si hard il y a, c’est avant tout dans leur pratique maîtrisée, si vertigineuse, sans concession, étourdissante de vitesse et de folle précision. S’envoyer en l’air ici n’est pas un vain mot. La voltige et l’acrobatie sont des arts en ce lieu poussés dans leurs retranchements les plus extrêmes, les plus audacieux, les plus fous. Et jouer avec le feu ou faire la roue n’est pas non plus une métaphore. Pôle-danse, sangles aériennes et bungees, trapèze, capilotraction, contorsion, équilibre… Il faut les voir ces beaux diables et ces démones, ces corps sublimés par l’effort, incroyablement désarticulés ou en apesanteur entre ciel et terre, défiant de leur talent trompe-la-mort le vide et l’abîme en ricanant. Un vrai chahut, un chaos génialement foutraque orchestré par Tapman, lequel du haut de son estrade dirige son big band miniature, un son saturé qui déchire les tympans et participe de ce tohu-bohu aussi trash que poétique, une poésie la plus noire et de la plus belle eau trouble.
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Cabaret décadent – Revue électrique n°777 – Vice, mise en scène de Tapman, au Cirque Electrique
Avec : Corrine, Bobette, Jb’s Funky People, Julie Démont, La Brosse, La Grande Lili, Anaëlle Molinario, Petit Bouquet, Antoine Redon, Quentin Signori, Tapman, Zéphyr
Jusqu’au 29 mars 2025
Du mercredi au samedi à 21h
Le Cirque Electrique
Place du maquis du Vercors
75020 Paris
Réservations : 09 54 47 24
www.cirque-electrique.com
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