© La fille d’à côté
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Un zèbre et des poussières d’étoiles. Martin Dust, titi parisien, poulbot en haut de forme, à la gouaille acérée, a planté son cabaret interlope au Zèbre de Belleville. Et là, dans ce lieu singulier, rouge passion, un chapiteau pour ciel, cet insolent maître de cérémonie réunit autour de lui sa famille. La vraie, celle du cœur et de l’esprit. Artistes pluridisciplinaires, hors des sentiers battus, brut de décoffrage et sans chichis ni tralala. Pas plus connus que ça, probablement en galère, on s’en fout. Ils ont chevillé fermement à l’âme la conscience d’être artiste, A majuscule, sans compromis, sans illusions et loin de l’industrie du spectacle qui étête et décervelle. Ils ne sont peut-être que poussière mais poussière d’étoiles, trouvés ici ou là, au hasard Balthazar, rameutés fissa dans ce cabaret par Martin Dust, curieux comme une fouine et dénicheur de perles rares sur les trottoirs de Paris. Chanteuses et chanteurs, effeuilleuses, contorsionnistes, travesti(e)s, performers… tout cela à la fois parfois. On ne sait jamais qui est invité en ces lieux. Il faut se laisser aller au plaisir de la découverte, de la curiosité. Ce mardi-là les femmes étaient à l’honneur. Sublime Maud ’Amour, carrossée comme une Rolls, pour qui femme fontaine n’est pas un vain mot, au grand dam des premiers rangs, dans un numéro burlesque d’une sensualité, d’un érotisme aussi classe que subversif… Julie Démont, contorsionniste aérienne, beauté androgyne des anges et dont le numéro, audacieux par sa vitesse, n’était pas sans faire penser à l’illustre et mystérieux trapéziste Barbette. Et puis une déesse noire, Jade, imposante, dont la voix chaude et vertigineuse zoukait à vous renverser, à vous envoûter. Laure Sanchez, chanteuse et bassiste d’une délicatesse infinie. Ella, venue d’Allemagne, pour un jazz langoureux, sensuel. Et au centre de ce carrousel, Poussière donc, avatar de Martin Dust, ludion facétieux, zébulon survitaminé, gavroche remonté sec comme un coucou suisse, chanteur et fin poète, fichtrement talentueux. Fils hypothétique d’Higelin (qui chantait « j’suis qu’un grain de poussière », hasard ?) ou, comme le soufflait mon voisin Tom de Pékin, de Charlélie Couture, mais avant tout lui-même, insolent et tendre, la répartie vive, cinglante d’impertinence et d’à-propos. Il vous mate sévère et rigolard le public, jamais vraiment méchant, cajole ses artistes qu’il aime fort, c’est une évidence. Et ces derniers le lui rendent bien. Il y a beaucoup, beaucoup d’amour dans ce cabaret. C’est joyeux, c’est drôle, c’est foutraque, c’est borderline, ça vous fiche des paillettes plein les mirettes, vous fait battre votre palpitant soudain tout chamboulé. Foin d’apparat cache-misère, ce qui compte ici c’est l’artiste, sa générosité et l’insolence de son talent. Autour de Martin Dust, discrets comme des serviteurs de nô, Lou Cat et Itzko, elle et lui beaux comme des diables, danseurs à l’occasion, et régisseurs plateau. Et derrière, trois musiciens indispensables, qu’on ne peut que citer, parce que ce trio jazzy plus que simple accompagnateur vous balance une sacrée atmosphère, Armstrong Tébé (batterie), Laure Sanchez (Basse) et Xavier Belin (clavier). Et le public, tout serré-collé chaise-contre-chaise dans cet espace tout riquiqui mais si grand par sa générosité, en redemande, emballé par ce cabaret subtilement et ouvertement subversif et crâne, engagé, populaire sans démagogie.
© La fille d’à côté
Cabaret de Poussière, conception de martin Dust
Avec Martin Dust, Lou Cat, Itzko, Armstrong Tébé, Laure Sanchez, Xavier Belin
Tous les 1ers mardi et mercredi de chaque mois, à 20h
Prochain cabaret les 3 et 4 juin 2019 et exceptionnellement le 5 juin
Le Zèbre
63 boulevard de Belleville
75019 Paris
Réservations 07 86 10 27 48
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