© Hugo Marty
fff article de Denis sanglard
Dans ce troisième opus du Cabaret de l’exil, Bartabas rend hommage aux femmes persanes, afghanes ou iraniennes, résistantes, artistes, en exil. Remontant à la source antique, aux scythes, peuple de nomades et de cavaliers, de langues iraniennes d’Eurasie dont la culture sophistiquée et civilisationnelle du cheval, mit sur un pied d’égalité les hommes et les femmes. Ces dernières, guerrières aguerries, usant au combat de l’arc et de la hache, devinrent dans l’imaginaire grec, les amazones. Et sur cette piste dont le centre est un miroir d’eau pourprée, galopent ces femmes de légende, d’une liberté farouche. Femmes persanes affranchies du regard des hommes qu’elles défient du haut de leurs montures et de leur poésie. Car à cette tribu de cavalières émérites, Bartabas joint des artistes iraniennes – musiciennes, chanteuses et danseuses – qui chantent et dansent la passion amoureuse, l’expression de leur désir ardent et le refus de la soumission patriarcale et religieuse.
L’ensemble est d’une beauté rude, à couper le souffle, d’une poésie finement ouvragée, d’une maîtrise absolue et bouleversante mais le présent, toujours, se rappelle au passé. Aux femmes-centaures, debout, fières et droites sur la croupe de leur cheval au galop, poing levé, arc bandé, flèches décochées, réponds soudain, impromptu, l’image de chaises renversées d’une école vidée de ses écolières, un tableau noir sur les routes de l’exil. Pour mémoire, en Afghanistan, les filles n’ont pas le droit à l’éducation… C’est dans ce contraste qui marque l’effondrement d’une culture aux origines matriarcales pour une dictature théocratique où les femmes sont invisibilisées, condamnées, que s’inscrit ce cabaret. Dans le dévoilement idéalisée d’une civilisation qui fut riche de son égalité entre les genres, riche d’une culture qui n’était pas que l’apanage exclusif des hommes et n’est plus désormais qu’un champ de ruine et ne survit, dans ce cabaret équestre, que par la voix de ces artistes exilées chantant l’amour qui n’est que liberté.
La beauté des chevaux, de toutes races, aussi libres et disciplinés que leurs intrépides cavalières acrobates, leurs galops nerveux et leurs pas décidés et savant, chevaux que n’approchent pas les hommes montés – méchante ironie – avec ridicule sur des mules rétives à la course, la ténacité douce et têtue des ânes bâtés pour un exil, la sagesse des paons, l’affolement des oies, le reflet crépitant de flammes pour illustration d’un poème, un âne glissant sur un fil entre ciel et terre comme échappé d’un tableau de Chagall, la douce raucité prégnantes des chants persans, la corolle d’une jupe gonflée autour d’un corps tournoyant jusqu’au vertige d’une danseuse soufie signant de fait l’égalité spirituelle entre les hommes et les femmes … Bartabas a le sens de l’image qui percute, d’une grande beauté, mais qui n’obère jamais son sujet, qui du passé, même légendaire, ne fait pas table rase mais, l’exhaussant, un acte naturel de résistance pour le présent, pour ces femmes persanes exemplaires, iraniennes ou afghanes, et toutes les autre femmes au monde, en lutte pour leurs droits au péril de leur vie.
« … Mon visage découvert ne me dénude pas
… Pourquoi porterais-je sur Ma tête le poids de Tes faiblesses ?
… Au lieu de voiler mon visage,
… Jette un voile sur tes pulsions coupables ! »
(Bahâr Sa’id, extrait de Rideau in Le cris des femmes afghanes)
© Hugo Marty
Cabaret de l’exil, Femmes persanes : scénographie, conception et mise en scène de Bartabas
Musiciennes :
Chant et kamantcheh : Firoozeh Raeesdanaee
Setar, Shourangiz et Daf : Shadi Fathi
Santûr : Farnaz Modarresifar
Tombak : Niloufar Mohseni
Création sonore, percussions : Catherine Pavet
Artistes : Bartabas, Amandine Calsat, Sahar Dehghan ( danseuse), Stéphane Drouard ( fildefériste), Marion Duterte, Johanna Houé, Camille Kaczmarek, Perrine Mechekour, Alice Pagnot, Tatiana Romanoff, Emmanuelle Santini, Alice Seghier, Eva Szwarcer (capillotraction)
Micos : Henri Carballido, Yaël Girard, Florent Mousset, Paco Portero
Chevaux et ânes : Corto, Dun, Famoso, Guerre, Hamadan, Harès, Héragone, Hercule, Houblon, Inca, Isope, Ispahan, Jade, Kaboul, Kandahar, Karaj, Kawa, Pablo, Parade, Qom, Raoul, Tabriz, Téhéran, Vino, Zurbaran, La Mule et l’Âne, et la mule Chiraz
Responsable des écuries : Johanna Houé
Groom de Bartabas : Ludovic Sarret
Soins des chevaux : Julie Boucherot, Caroline Viala
Création costumes : Chouchane Abello Tcherpachian
Costumiers : Eloise Descombes-Rotella, Jean Doucet, Anne Véziat
Assistantes costumières : Gwendoline Grandjean, Tifenn Morvan
Patineuse : Léa Deligne
Habilleuses : Isabelle Guillaume, Cléo Pringigallo, Clarisse Véron
Accessoiristes : Samuel Babinet, Delphine Cerf, Romain Duverne, Juliette Nozières, Sébastien Puech
Masque d’âne : Cécile Kretschmar
Directeur technique : Hervé Vincent
Son : Juliette Regnier
Lumière : Clothilde Hoffman, Léa Mathé
Techniciens plateau : Laurent Bureau, Pierre Léonard Guétal, Christelle Naddéo, Erwan Tur
Technicien de maintenance : Ouali Lahlouh
Dessin d’affiche : Serena Luna Reggi
Du 20 octobre au 31 décembre 2023
Mardi, mercredi, vendredi, samedi à 19h30
Dimanche à 17h30
Relâche lundi et jeudi
Théâtre équestre Zingaro
176 avenue Jean Jaurès
93 300 Aubervilliers
Réservations : 01 48 39 54 17
www.zingaro.fr
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