© Christophe Raynaud de Lage
ƒƒ article de Hoël Le Corre
A l’opposé de ce que l’on pourrait attendre d’un spectacle de cirque, Brûler d’envies démarre dans l’obscurité totale. Par touches pointillistes, des faisceaux rouges viennent briser cette pénombre. Et se dévoilent par bribes des corps mouvants, des agrès, un décor d’enceintes. La musique électronique minimaliste composée par Pangar nous transporte encore plus profondément dans cet univers dystopique, emprunté à l’imaginaire urbain futuriste.
Cela fait désormais plusieurs années que nous suivons les spectacles du CNAC, qui permet aux élèves tout juste sortis de cette école nationale de montrer leur pâte, et aux spectateurs de découvrir ces nouveaux talents. Et si l’énergie du groupe et de la jeunesse est souvent prise comme point de départ de ces spectacles, ici, malgré le titre qui évoque cette fureur de vivre et cet enthousiasme au présent, la dramaturgie est tranchante, et résonnent plutôt les craintes et les failles d’un monde en proie à de nombreux doutes et problèmes. Confiée à deux metteurs en scène de théâtre, David Gauchard et Martin Palisse, rarement la proposition aura été aussi radicale. Mais si les vingt première minutes peuvent nous sembler âpres et un tantinet longues, le plateau finit par trouver un rythme haletant et se déploient des tableaux forts et surprenants.
En écho aux défis que l’Humanité doit surmonter en ces temps troubles, les circassien.ne.s mettent leur corps au travail, et nous montrent les efforts que nécessitent leurs acrobaties. Les performances de chacun.e n’en reste pas moins impressionnantes et une certaine poétique finit par émerger de cette endurance, de cette débauche d’énergie ; comme lorsque Marine Robquin découpe, ralentit ses mouvements pour mettre son corps à l’épreuve de la gravité. C’est la marque de Brûler d’envies, que d’explorer de nouveaux territoires tout en revenant au cirque, sans artifice. Les jeunes artistes utilisent les savoir-faire connus en les détournant, en cherchant toujours à en faire autre chose. Que ce soit clair, cette équipe a effectivement décidé de casser les codes, à l’instar de Mano Vos qui préfère se faire l’Atlas de sa roue Cyr en s’en servant comme d’un poids en équilibre plutôt que de tournoyer en figures plus habituelles. Antonin Cucinotta et Uma Pastor quant à eux, grimpent au mât chinois en duo, en alternant figures et portées ensemble. Jaouad Boukhliq avec ses équilibres et ses saltos et Heather Colahan-Losh sur sa corde lissent nous offrent des tableaux hypnotiques.
Les chorégraphies de groupe apparaissent, en comparaison, plus classiques et plus répétitives. Mais elles ont le mérite de rendre incandescentes les étincelles d’énergie vitale déployées dans les solos. On pourra être surpris dans un premier temps par l’absence quasi-totale d’émotion, de complicité entre les artistes, à qui les metteurs en scène ont sans doute demandé de rester concentrés sur leur parcours, pour mettre en valeur l’esthétique en noir et blanc. Mais pour qui est intéressé par les chemins de traverse que peut parcourir le cirque contemporain, cette forme assumée restera certainement une référence.
© Christophe Raynaud de Lage
Brûler d’envies, par la 36e promotion du CNAC
Avec les étudiantes et les étudiants de la 36ème promotion : Jaouad Boukhliq (Équilibres), Heather Colahan-Losh (Corde lisse), Antonin Cucinotta (Mât chinois), Uma Pastor (Mât chinois), Marine Robquin (Acrobatie au sol), Mano Vos (Roue Cyr)
Mise en scène : David Gauchard et Martin Palisse
Musique originale : Pangar
Collaboration artistique : Stefan Kinsman
Scénographie : Martin Palisse
Collaboration à l’acrobatie : Dolores Calvi, Abdel Senhadji
Conception lumière : Alix Veillon et Jean Ceunebroucke
Conception et réalisation costumes : Leonor Gellibert et Darius Grenier
Mise en espace sonore et régie son : Théo Armengol
Régie lumière : Vincent Griffaut ou Thibaut Paris
Régie générale : Julien Mugica
Coordinatrice de l’insertion professionnelle : Ann-Katrin Jornot
Du 22 janvier au 16 février 2025
Mercredi et vendredi à 20h, jeudi à 19h, samedi à 18h, dimanche à 16h
Durée : 1h10
Espace Chapiteau de la Villette
211 Av. Jean Jaurès
75019 Paris
Réservations : 01 40 03 75 75
www.lavillette.com
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