f article de Florent Mirandole

© Nada Zgank

Des claquements électriques inquiétants retentissent dans la salle du théâtre des Abbesses. Au centre de la scène, Jurij Konjar continue de danser, le corps traversé par les déflagrations d’électrons. Porté par cette bande-son angoissante, le danseur slovène improvise alors une chorégraphie lente, saccadée et anxiogène. En reprenant plus de 30 ans après la pièce du grand chorégraphe américain Steve Paxton, le danseur slovène tente de renouer avec une conception de la danse très radicale, faite d’improvisation et de spiritualité.

L’apport de Steve Paxton à la danse a été majeur, en revitalisant tout un pan de la danse moderne grâce à l’improvisation. Créé en 1982, « Bound » poursuit le travail du chorégraphe sur le mouvement et la création. Plus de 30 ans après, la pièce n’a étonnement rien perdu de sa modernité. Encadré par une bande-son constituée majoritairement de bruits et de grésillements de radio, l’invention de gestes en direct reste toujours aussi passionnante. Certaines situations apparaissent plus modernes que jamais, comme lorsque le danseur fusionne dans un décor de jungle urbaine au son d’un tintamarre de klaxons.

Il est toutefois difficile de qualifier « Bound » de pièce complètement improvisée. L’œuvre s’avère également très cérébrale. Aux épisodes improvisés très sonores succèdent des moments plus lents, où le danseur se recroqueville sur son corps, sur ses pensées. On est là davantage dans l’introspection et la réflexion que sur le mouvement. Si ces nouvelles séquences viennent donner un souffle spirituel à la pièce, elles n’en demeurent pas moins un peu austères, et souvent plombées par un symbolisme insistant.

Ainsi la présence d’un fauteuil à bascule et d’un landau côte à côte est un peu appuyée. De même, la présence incongrue d’épaisses planches de bois en travers de la scène semble vouloir délivrer un message, sans que l’on sache s’il est religieux ou spirituel. Le plaisir a observer la construction d’un mouvement est réel, mais l’abondance de signes et de matériau sur la scène pèse sur la fluidité de la pièce. « Bound » redevient alors une pièce expérimentale, définitivement attachée aux années 1980.

Redécouvrir l’œuvre de Steve Paxton constitue le principal intérêt de la pièce, sans que le plaisir soit réellement au rendez-vous.

Bound
Chorégraphie Steve Paxton
Musique Bulgarian State Radio and Television Female Vocal Choir & The Canadian Brass
avec Jurij Konjar

Du 22 et 27 octobre 2015

Théâtre de la Ville aux Abbesses
31, rue des Abbesses – 75018 Paris
Métro Abbesses
Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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