© DR Pierre Grosbois
ƒƒ Article de Corinne François-Denève
Scènes de la vie de bohème, puis La Bohème, ou La Vie de bohème, et enfin ce Bohème, notre jeunesse. Des esquisses de Murger, déjà adaptées par Puccini, Pauline Bureau et Marc-Olivier Dupin présentent une version personnelle, pensée comme universelle (« notre »), et résolument axée sur l’âge tendre des héros (« jeunesse »). Mimi et Rodolphe, la vingtaine, s’aiment donc d’amour tendre, dans un Paris qui se modernise. Ils vivent d’amour, d’eau sans doute pas toujours fraîche, et surtout de rêves et d’espoirs. Ils sont artistes, aussi – peintres, musiciens, écrivains, cultivateurs d’illusions pas encore perdues (le programme les présente comme de « jeunes actifs » : reviens, Murger, ils sont devenus fous). Petite fleur de Paris, qui brode et coud, Mimi est idéaliste et fidèle. Musette est son exact contraire, femme fatale qui envoûte les hommes. Mimi tousse et crache, il n’y a pas de fin heureuse pour les petites grisettes qui se meurent dans les mansardes des poètes maudits – Pauline Bureau dit avoir été fascinée par le « vérisme » de l’opéra de Puccini, qu’elle dit proche de la démarche documentaire qu’elle a pu mener, par exemple, avec l’affaire du Mediator, dans Mon cœur.
L’ambition de Pauline Bureau et de Marc-Olivier Dupin était de présenter un opéra « abordable », tout public, destiné même aux spectateurs qui n’auraient pas les codes de la musique dite « grande ». La forme, proposée comme « légère » et « dynamique » est donc singulièrement condensée : une heure trente pour faire vivre et mourir Mimi, de son premier chant de présentation (« Oui, on m’appelle Mimi ») à son chant du cygne – la reprise déchirante du même air. Une heure trente donc pour narrer les amours de Mimi et Rodolphe, la jalousie de celui-ci, la maladie de celle-là, la générosité inattendue de la belle Musette, la douleur des amis – Colline, Schaunard… – que l’on a juste croisés.
Cette « petite forme » a ses beautés : celle de l’orchestre, en particulier, resserré comme en formation de chambre, et qui a pratiqué une certaine opération alchimique sur la partition originale – on se gardera de s’avancer plus avant dans les analyses, mais Marc-Olivier Dupin sait trouver, dans le programme toujours, des mots passionnants pour décrire son travail. Côté histoire, on n’a point le temps de s’attarder, de nuancer. « Oui, je t’aime », elle tousse, elle tousse, et pan : elle est morte. Ou plutôt : elle se meurt. L’agonie en effet sera longue mais douce ; le tempo final tranche avec la brièveté de l’histoire qui a précédé. Pendant cette heure trente, les belles images se succèdent, du gris des décors au chromatisme primaire et naïf des costumes – le vert de Musette, le rose de Mimi. La ligne droite court vers son inexorable fin – une « Love Story » au temps d’Eiffel et au tragique efficace. On aurait peut-être aimé que le temps prenne son temps, le temps d’aimer « toutes ces choses/Dont le charme caresse/Qui vous parlent d’amour, de printemps, de jeunesse/Qui sont chimère, et songe, et fantaisie/Ce qui pour vous s’appelle poésie ! » – tout ce qui fait la « folie » de Mimi.
© DR Pierre Grosbois
Bohème, notre jeunesse, d’après Giacomo Puccini
Adaptation, traduction et mise en scène Pauline Bureau
Adaptation musicale Marc-Olivier Dupin
Direction musicale Alexandra Cravero
Décors Emmanuelle Roy
Costumes Alice Touvet
Lumières Bruno Brinas
Vidéo Nathalie Cabrol
Dramaturgie Benoîte Bureau
Collaboratrice artistique à la mise en scène Cécile Zanibelli
Chef de chant Marine Thoreau La Salle
Avec Sandrine Buendia, Kevin Amiel, Marie-Eve Munger, Jean-Christophe Lanièce, Nicolas Legoux, Ronan Debois, Benjamin Alunni, Anthony Roullier
Orchestre Les Frivolités Parisiennes
Durée 1 h 30
Du 9 au 17 juillet 2018
Opéra Comique, Salle Favart
1, place Boieldieu, 75002 Paris
Tournée :
Suresnes, Théâtre Jean Vilar, mardi 16 et mercredi 17 avril 2019, 21h
Bastia, Théâtre municipal, jeudi 9 mai 2019, 20h30
Versailles, Théâtre Montansier, jeudi 16 et vendredi 17 mai 2019, 20h30
Opéra de Rouen, novembre 2019
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