© José Caldeira
ƒƒ article de Denis Sanglard
Dançando com a differança est une compagnie de danse inclusive dirigée par Henrique Amoedo, réunissant artistes avec ou sans « différence » liée à la condition physique ou mentale. Prouvant par là-même que le handicap n’est en rien un obstacle dans le champ de la création contemporaine, lui offrant même d’autres perspectives en déplaçant le regard que nous portons sur lui. C’est d’autant plus juste ici que la danse expose les corps frontalement, voire brutalement, et qu’un corps différent n’échappe donc pas, inévitablement, au regard qu’on lui porte. Avec Blasons, François Chaignaud retourne ce regard. Les danseurs certes se montrent, crûment, mais ne lâchent jamais le public des yeux, le scrutant attentivement, prenant même des notes. Renvoyant à ceux-là même qui les jaugent à l’aune de leur « normalité », leur voyeurisme. C’est nous qui, à leurs yeux, sommes désormais hors-normes. Certes ils jouent sciemment une partition attendue, défilant comme à la parade ou s’exposant comme des tableaux vivants, comme autant de clichés sur les freaks qu’ils ne sont pas mais que nous portons sur eux, mais très vite détournent habilement tout ça pour nous imposer une évidence, il n’y a pas de différence d’eux à nous, nous sommes toujours le monstre de quelqu’un. Le handicap, le vrai, c’est notre regard porté sur la différence.
Plus forte sans aucun doute la seconde proposition, celle de Tãnia Carvalho, Doesdicon, anagramme d’Escondido (dissimulé). Un univers cauchemardesque, un ballet expressionniste superbement grotesque ou les corps, mécanique ou performatif, se révèlent dans toute leur singularité. Danseuse manipulée, ronde chaotique, ombres fantomatiques, simples mais fortes présences, c’est un conte noir, d’une beauté fragile, bouleversante et crépusculaire. Tãnia Carvalho compose des séquences où le corps et le mouvement, qu’ils soient empêchés où libérés de toute contrainte, devient l’objet d’une attention dramatique inouïe. De chaque danseur, elle transfigure leur capacité à faire de leur handicap une force motrice, imaginative et poétique sans égal. Rien de spectaculaire en apparence mais au contraire une simplicité radicale qui met à nu, exhausse et révèle ce que cache malgré eux chacune de ses personnes, invisibilisés au quotidien. Elle réussit ce pari délicat de ne pas exposer le handicap comme une exception, une curiosité, voire une anomalie, mais au contraire de l’intégrer le plus naturellement dans le champ de la danse contemporaine qu’elle bouscule dans le regard que nous lui portons. Ce que nous avons devant nous, ce sont avant tout des danseurs dans leur vérité, et rien d’autre.
©Julio Silva CAstro
Blasons, chorégraphie et mise en scène de François Chaignaud
Assistant : Grégorio Nóbrega
Avec Bárbara Matos, Bernardo Graça, Joana Caetano, Mariana Tembe, Milton Branco, Sara Rebolo, Sofia Marote, Telmo Ferreira
Lumières : Abigaïl Fowler
Costumes : Henrique Texeira
Doesdicon, chorégraphie et mise en scène Tãnia Carvalho
Avec Bernardo Graça, Diogo Freitas, Isabel Teixeira, Joana Caetano, Maria João Pereira, Luís Guerra, Sara Rebolo, Telmo Ferreira
Lumières : Tãnia Carvalho, Mauricio Freitas
Musique : Diogo Alvim
Chant : Tãnia Carvalho d’après lumi potete piangere de Giovanni Legrenzi
Costumes : Aleksandar Protic
Du 12 au 16 octobre 2022
A 20 h, le samedi 18 h, le dimanche 15 h
Théâtre de la Ville – Les Abbesses
31 rue des Abbesses
75018 Paris
Réservations : 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
billeterie@festival-automne.com
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