À l'affiche, Critiques // Radio Vinci Park, de Théo Mercier et François Chaignaud, à la Halle aux cuirs, La Villette.

Radio Vinci Park, de Théo Mercier et François Chaignaud, à la Halle aux cuirs, La Villette.

Juin 10, 2018 | Commentaires fermés sur Radio Vinci Park, de Théo Mercier et François Chaignaud, à la Halle aux cuirs, La Villette.

ƒƒƒ article de Toulouse

© Erwan Fichou

François Chaignaud et Théo Mercier vous donnent rendez-vous dans l’intimité inquiétante d’un parking pour y représenter une cérémonie saisissante, violente et érotique. Les spectateurs s’attroupent sérrés dans l’antichambre menant au parking. Au milieu d’eux se dresse une femme, Marie-Pierre Brébant. Elle joue des airs baroques au clavecin, dans ce qui pourrait ressembler à un cabinet de curiosité urbain, où s’étalent des partitions et des notes de musiques. Puis les portes s’ouvrent et nous nous enfonçons dans l’épaisseur et l’obscurité du parking. Des barrières de sécurité, derrières lesquelles nous nous disposons, forment comme une arène au centre de laquelle trône, imposante et impartiale, pareille à un fauve ou un taureau que nous regardons avec prudence, une splendide moto chevauchée par Cyril Bourny, cascadeur tout de cuir vêtu. François Chaignaud, magnifiquement travesti, fais son entrée. Noble et fier, il tourne autour du motard immobile, comme un toréador s’amuse à tourner autour de la bête. Il se fait mousser par l’audience rivée sur lui au cours de multiples jeux de démonstrations absurdes, qui semblent préparer un curieux rituel. Il y a effectivement dans son rapport à la moto, dans sa manière de prendre l’espace, de nous regarder, quelque chose d’éminemment sacral. Perché sur des talons aiguilles, il exécute une série de figures, parfois en chantant des airs d’opéras le corps complètement renversé. Il y a quelque chose d’un faune ou d’une nymphe, rappelant bien sûr la gestuelle de Nijinski, dans ses sauts, sa manière de battre le temps, proche encore du solo de l’élue dans Le Sacre du printemps. C’est un étrange numéro de charme qu’il fait là au motard qui, lui, reste impassible comme la pierre. Une parade dansée, très charnelle et sexuelle, où le danseur vient littéralement frotter son bassin sur les roues du bolide, jusqu’à ce qu’il s’allonge sur le bitume pour s’offrir complètement à la moto. Sacrifice d’un corps qui se donne tout entier malgré la violence qui va suivre. En effet, on ne s’y attend pas avant d’entendre le vrombissement colérique du véhicule qui s’enclanche et fonce à toute vitesse. Comme un requin qui rode autour de sa proie, la moto tourne autour du corps allongé, prend de violents virages, et passe à quelques centimètres du danseur comme du public. Le risque de mort du performer semble réel, et tout du long on serre les dents dans l’acidité des pots d’échappements dont l’odeur commence à envahir l’espace. C’est un véritable numéro d’intimidation qu’il exécute, et d’une violence inouïe. On y voit non seulement l’écho brutale de la sexualité contemporaine, mais également une guerre des sexes où, jouant sur le mélange des genres, l’ultra-virilité tente de menacer et d’étouffer toute part de féminité.

C’est une proposition radicale et splendide qu’accomplissent en duo Théo Mercier et François Chaignaud. Un spectacle à haute voltige, qui ne se voit pas mais qui s’éprouve.

Radio Vinci Park
Mise en scène Théo Mercier
Danse, chant, chorégraphie François Chaignaud
Clavecin, arrangements musicaux Marie-Pierre Brébant
Stunt Cyril Bourny
Collaboration artistique et régie générale Florent Jacob
Conception technique du costume Clinique Vestimentaire
Avec François Chaignaud, Cyril Bourny et Marie-Pierre Brébant

Du 6 au 8 juin à 21h

A la halle aux cuirs
2 rue de la clôture, 75019 Paris
Ligne 7, arrêt « porte de la Villette »
Bus 139, 150 et 152 porte de la vilette
Tram 3b arrêt « Ella Fitzgerald / Grands-Moulins de Paris »
Réservation au 01 40 03 75 75
https://lavillette.com/

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