© Richard Haughton

ƒƒ article de Denis Sanglard

Voilà de la belle ouvrage ! Un spectacle d’une grande poésie, de magie quelque peu désuète. Qu’importe et tant mieux si l’on devine les trucs et les astuces, c’est justement dans cette volonté de ne rien cacher, ou si peu, que réside aussi le charme de cette création délicate et surannée. Un côté artisanal assumé comme un joli pied de nez à la modernité, un hommage au théâtre, au cirque dans ce qu’il a de plus pur, de plus naïf, de plus immédiat. On va jusqu’à aimer le léger brouhaha des changements à vue des décors qui se succèdent cahin-caha. On fond bêtement, on craque désarmé devant ces images surréalistes où les objets ont une âme dissipée et facétieuse. Images surprenantes et follement inventives, faites en apparence de trois fois rien, tableaux dans lesquels Aurélia Thierrée, kleptomane dépassée, manipulée par les objets qu’elle dérobe compulsivement, se meut, danse, se métamorphose. Apparitions, disparitions à vue. Se fondre dans le décor n’est plus ici une expression mais une réalité. Forêt de portemanteaux devenant créature monstrueuse et chimère vite domptée et chevauchée, porte tambour qui vous escamote, peigne espagnol muée en créature de cauchemar, cintre-oiseau, tableau Renaissance dans lequel on guerroie ou ménine espagnole perdant la tête et sortie de son cadre… Un univers fantastique surgit inopinément du quotidien, d’objets des plus banals, robes, luminaires, fauteuils, tables soudain animés d’une vie étrange et merveilleuse, incontrôlable… Et l’on est émerveillé c’est vrai, de cette douce effraction dans le réel d’un monde onirique, d’une poésie rêveuse. Victoria Chaplin a le goût de l’enfance et de ses monstres inventés, de ses mondes imaginaires, ce regard émerveillé, extra-lucide, qui porte au-delà de la réalité pour y dénicher le merveilleux, celui de quelques bouts de ficelles et de chiffons avec lequel on bâtit tout un royaume. Aurélia Thierrée, sa fille, traverse avec grâce ce royaume enchanté, manipulant et manipulée, et c’est avec bonheur que l’on suit cette étrange guide kleptomane comme on poursuit avec obstination et tout éveillé un rêve avant qu’il ne s’évanouisse, laissant des traces fugaces bien longtemps encore après…

© Richard Haughton

Bells & Spells de Victoria Thierrée Chaplin

Avec Aurélia Thierrée et Jaime Martinez

Chorégraphie Armando Santin

A partir du 7 mars 2019

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h

Théâtre de l’Atelier

Place Charles Dullin

75018 Paris

Réservations 01 46 06 49 24

www.theatre-atelier.com

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