À l'affiche, Critiques // B. Traven, texte et mise en scène de Frédéric Sonntag, Nouveau Théâtre de Montreuil, CDN

B. Traven, texte et mise en scène de Frédéric Sonntag, Nouveau Théâtre de Montreuil, CDN

Mar 23, 2018 | Commentaires fermés sur B. Traven, texte et mise en scène de Frédéric Sonntag, Nouveau Théâtre de Montreuil, CDN

 

© Gaelic

 

ƒ texte de Théodore Lacour

On participe à une immersion, soutenue par la présence de deux musiciens, tout à la fois dans l’enquête menée par une journaliste et son cameraman sur les traces de l’énigmatique B. Traven, dans l’univers du boxeur, poète et personnage excessif Arthur Gravan, en passant par un scénariste d’Hollywood victime de la chasse aux « communistes » organisée aux Etats-Unis dans les années 1950 et par la vie d’un squat parisien, autogéré avec son plein d’utopies et d’espoirs politiques des dernières années du siècle passé.

La proposition relève tout autant d’un théâtre documentaire que politique portant regard sur le XXe siècle et profitant de cette immersion pour en évoquer certains faits marquants et développer un regard critique sur la voie dans laquelle l’occident s’est engagé au fur et à mesure des années.

Cette double volonté au didactisme joyeux est à saluer. En effet, il y a là un passionnant travail de recherche autour des événements et des bouleversements sociétaux couvrant la période des rocambolesques aventures de B. Traven (environ 1882-1969). L’équipe réunie autour de Frédéric Sonntag tisse habilement, dans la dramaturgie et le jeu, des allers et retours permanents qui nous font voyager d’un espace lieux et d’un espace temps à l’autre, en créant liens et suspens et en resserrant les mailles et les relations entre tous ces personnages, pour les faire converger vers un pays ou régnait encore quelques espaces « vierges » au milieu de croyances bien lointaines de celles des occidentaux. Ce pays de convergence, de l’entre deux Amériques : c’est le Mexique. En effet, cette terre d’exil, de fantasmes, d’identités nouvelles possible, de révolutions à venir, de perte de soi dans la jungle exubérante, devient petit à petit le personnage central de la proposition, tellement tous les protagonistes s’y retrouvent ou y passent.

Tel un plateau de tournage aux multiples décors, les scènes se succèdent à un rythme soutenu de coupures franches telles des claps de début et de fin et, pour support à ce montage cinéma, tout le formidable travail musical qui accompagne, en direct, les interprètes sans oublier les apports signifiants extérieurs comme les bandes sonores, les extraits filmiques et les cartons écrits comme dans les débuts du cinéma.

Néanmoins, la position un peu « facile » consistant à faire le constat triste et désolant du monde et de son évolution au cours du XXe siècle finit par tourner un peu en rond et on se demande ce que le fait de vouloir en faire « théâtre » apporte à cette proposition tant on perçoit, dans le montage, combien le metteur en scène est traversé et immergé dans le monde de l’image, des reporters, des présentateurs radio, des cinéastes. La structure même reflète le monde de la vitesse, du traitement de l’information comme « événement » tel que nous le subissons aujourd’hui. De ce fait, on a la sensation un peu décevante que le débordement, le trop plein de mise en scène nous embrouille plus qu’il ne nous porte vers un ailleurs.

Par exemple, si les questions de l’identité et des vaincus se trouvent au centre de la vie de B. Traven, nous restons un peu sur notre faim quant à leur traitement dans la proposition. Certes, des paroles sont là ; comme celle du parallèle établi entre la liberté d’être en cachant son identité et le fait d’être un acteur aux multiples visages. Mais on ne voit pas comment cela agit sur le plateau au delà de la parole.

Et à un autre moment du spectacle : « Ou en sont les utopies dans un monde ou les slogans révolutionnaires d’hier sont récupérés par le système dominant et libéral d’aujourd’hui » ? Certainement le fait de continuer ce chemin de partage qu’est le théâtre atteste que des utopies collectives existent ! Encore faudrait-il entrebâiller la porte et les faire gronder. C’est un peu comme si Frédéric Sonntag évitait de nous emmener dans les tréfonds de ses croyances, de ses espoirs et de la forme de liberté qu’il semble trouver dans la vie de B. Traven.

Comme le dit le scénariste, les horizons dans le cinéma américain seraient synonyme ou évocation de l’espoir, pour les européens de la mélancolie et dans le cinéma asiatique de mort. Qu’en est-il, ici, de la métaphore de l’horizon dans le spectacle ou pour le metteur en scène ?

Il n’en demeure pas moins que cette proposition vaux le détour. Qu’on se le dise !

 

B. Traven, de Frédéric Sonntag


Avec Simon Bellouard, Julien Breda, Romain Darrieu, Amandine Dewasmes, Florent Guyot, Sabine Moindrot, Malou Rivoallan, Fleur Sulmont, Paul Levis, Gonzague Octaville

Création vidéo Thomas Rathier
Création musicale Paul Levis
Création lumière Manuel Desfeux
Scénographie Marc Lainé
Costumes Hanna Sjödin
Régie générale et son Bertrand Faure
Régie Plateau Romy Deprez
Assistanat à la mise en scène Leslie Menahem

Du 20 mars au 14 avril 2018 à 20h00
Le samedi 19h00 et relâche le dimanche
Durée estimée 2h00

Nouveau Théâtre de Montreuil
Salle Maria Casarès
63 rue Victor Hugo
93100 Montreuil

Infos et réservations T+ 01 48 70 48 90

www.nouveau-theatre-montreuil.com

Be Sociable, Share!

comment closed