À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Austerlitz, de Gaëlle Bourges, au Carreau du temple, Paris

Austerlitz, de Gaëlle Bourges, au Carreau du temple, Paris

Déc 22, 2023 | Commentaires fermés sur Austerlitz, de Gaëlle Bourges, au Carreau du temple, Paris

 

© Danielle Voirin

 

ƒ article de Nicolas Thevenot

Austerlitz, c’est une gare à Paris, c’est une bataille napoléonienne qui a donné son nom à une gare, et c’est le titre d’un vertigineux roman de W. G. Sebald. Comme pour Les émigrants, prochainement visible dans une adaptation et mise en scène de Krystian Lupa à l’Odéon, l’écriture se fait lieu du surgissement de la mémoire, construisant patiemment et sensiblement par avancées circonvolutives une histoire humaine sans cela vouée à un irrémédiable effacement. Une histoire dont les lettres lumineuses de son écriture se détachent dans l’ombre des crimes de masse du XXème siècle. Si Les émigrants renvoie au récit minutieusement forgé à partir d’archives et est basé exclusivement sur des faits et personnes réels, Austerlitz en est le versant romanesque sans rien perdre de l’acuité du précédent. Les deux font partie de ces lectures qui marquent une vie.

Gaëlle Bourges ne s’empare pas du livre proprement dit mais du procédé d’écriture qui le meut : une narration qui progresse à force de digressions, de découvertes, de hasards, creusant comme un archéologue ce qui affleure du passé dans le contemporain, et ainsi remontant, à la manière d’un rhizome, jusqu’à l’origine du personnage éponyme du roman de Sebald. Puisant dans la matière mémorielle des danseurs, dans la sienne, Gaëlle Bourges produit un texte à la fois linéaire et spiralé, s’étendant sur plusieurs continents et à travers différentes époques. Filiations artistiques en premier lieu, notamment dans le champ de la danse contemporaine, mais aussi histoires de famille embrassant les deux guerres et celle d’Algérie. Les mots tissent leur toile d’araignée, des raccourcis se forment entre plusieurs histoires, lieux, ou personnes, rejoignant en cela ce qui faisait la force épiphanique du roman de Sebald. Gaëlle Bourges tapisse également cette matière documentaire de l’étoffe des rêves qui la traversent pendant la préparation de son projet. La scène est visible à travers une gaze tendue sur toute l’ouverture du plateau produisant un effet de lointain et de floutage selon le jeu des lumières. En fond de scène, à jardin, un espace de projection se fait le réceptacle de photos d’époque en lien avec le récit. Les danseurs apparaissent succinctement à la manière de flashs : moments découpés, stylisés, chorégraphiés au millimètre. Las, très vite on se sent expulsé et spectateur passif, désactivé, d’une proposition qui tourne au système et semble dans sa réalisation, dans sa phénoménologie, tourner le dos au geste de Sebald et nous tenir fermement à distance. La voix enregistrée confond la fermeture avec l’épure, annihilant toute possibilité polysémique, les mots au lieu de faire écho comme des ronds dans l’eau nous arrivent forclos. La perfection des mouvements chorégraphiés renvoie à une mémoire lissée, idéalisée, singulièrement dévitalisée et aboutit à une simple illustration d’un propos. Austerlitz affiche dans sa fabrication tous les signes qui renvoient à une idée de la mémoire, mais ne sauraient être une mémoire en jeu. La mémoire est imparfaite, flottante, et surtout elle semble se partager dans le tremblement d’une absence. C’est en cela qu’elle est force d’émotion, puissance d’agir dans le présent. La déception est à la mesure de la constellation des noms égrenés façon name droping de tous ceux qui ont fait l’histoire de l’art, d’Aby Warburg à Antonin Artaud, en passant par Steve Paxton, Emily Dickinson, et Brecht.

 

© Danielle Voirin

 

 

Austerlitz, conception et récit de Gaëlle Bourges

Avec : Gaëlle Bourges, Agnès Butet, Camille Gerbeau, Stéphane Monteiro, Alice Roland, Pauline Tremblay & Marco Villari

Accessoires : Gaëlle Bourges et Anne Dessertine

Costumes : Anne Dessertine

Chant : tou·te·s les performeur·euse·s + KrYstian

Images projetées : archives (personnelles et autres)

Lumières : Maureen Sizun Vom Dorp

Musiques : KrYstian & Stéphane Monteiro a.k.a XtroniK

Régie générale : Stéphane Monteiro

Régie son : Michel Assier-Andrieu

 

Durée : 1h30

 

Du 13 au 14 décembre 2023 à 19h30

Carreau du Temple

2 Rue Perrée

75003 Paris

Tél : 01 83 81 93 30

https://www.lecarreaudutemple.eu

 

Du 18 au 30 janvier 2024

Théâtre Public de Montreuil – CDN

Du 13 au 14 février 2024

Maison de la Culture d’Amiens

Le 1er mars 2024

Théâtre Antoine Vitez

Ivry-sur-Seine

Du 5 au 7 mars 2024

Théâtre de la Vignette

Montpellier

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed