© Guillaume Millochau
ƒƒ article de Sylvie Boursier
Florence Aubenas a posé ses valises à l’hypermarché de Mende, pour voir, entendre des promos, des clients, les pots de Nutella, le café Carte Noire ou le Coca-Cola, la foire aux vins en automne, des caissières, des vieux, des enfants, un chef du personnel, presque rien, la vie… en caddie. Elle prend des notes, écrit et ses articles paraîtront dans le journal Le Monde en 2019. L’hypermarché, au-delà de sa fonction alimentaire, se met à raconter des histoires.
Adapter c’est choisir. Le collectif La bande à Léon a pioché dans ce matériel pour bricoler (au sens artisanal, sans boîte noire, sans technique) un spectacle de poche, adaptable dans un espace public, accessible à tous. Sous son apparente spontanéité, Au pays des hypers est d’une construction subtile, loin de chercher simplement à aligner les faits, il en a grossi certains, souligné d’autres, avec l’apport du clown Gilles Ostrowsky. Des bouts de réalité s’assemblent, se rapprochent, s’entrechoquent pour faire jaillir la signification profonde, un monde clos au délire promotionnel inextinguible, des caddies qui valsent, des produits qui se font la malle dans un brouhaha continu. À quoi pensent les caissières ? À quoi tiennent-t-elles ? Qu’est-ce qui les rend heureuses ? Y a-t-il une vie après l’hyper ? On ne le saura pas vraiment. À certains moments pourtant, la vie, la vraie, affleure, quand cette jeune femme, lors d’un entretien d’embauche répond naïvement au recruteur que son rêve est d’être une fée… elle sera caissière à Mende.
Le prologue, savoureux, à la manière d’un show télévisé avec force punchlines donne le ton. Chaque comédien dégouline d’émotion pour « vendre » sa prestation et dire son bonheur d’être là. Tout se vend donc Au pays des hypers même le spectacle !
Le dispositif est simple, suggestif et léger, une agora traversante avec le public autour, les comédiens bondissent dans un happening permanent, toujours au bord de la rupture, ils nous interpellent, testent des slogans. Les trois acteurs, parfaitement synchronisés, se relaient à la manière d’un standup sur une variété de tableaux, portés par le souffle d’une énergie collective. Loufoque mais pas caricatural, chaque personnage existe dans son humanité.
Ce spectacle au titre délicieusement ironique (on pense à une certaine Alice au pays des merveilles), pose la question de notre devenir sociétal, à l’heure de la globalisation et de la surconsommation de masse. Entre la Commedia dell’arte, l’agit-prop, le théâtre des tréteaux, le collectif La bande à Léon cultive sa différence !
© Guillaume Millochau
Au pays des Hypers, d’après Florence Aubenas
Adaptation : Gilles Ostrowsky
Mise en scène : Audrey Bertrand
Collaboration artistique : Anthony Lozano
Scénographie : Alix Mercier
Création sonore : Antoine Quintard
Avec : Sophie Cusset, Audrey Bertrand et Noé Pflieger
Durée : 1h05
Jusqu’au 24 juillet à 16h05
Relâche les 11 et 18 juillet 2025
Au théâtre du Train Bleu
40, rue Paul Saïn
84000 Avignon
Réservations :
www.theatredutrainbleu.fr
Pas de réservation par téléphone
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