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Au Bon Pasteur : peines mineures (2), de Sonia Chiambretto, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, au théâtre Les Plateaux Sauvages, à Paris

Oct 09, 2025 | Commentaires fermés sur Au Bon Pasteur : peines mineures (2), de Sonia Chiambretto, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, au théâtre Les Plateaux Sauvages, à Paris

ƒƒ article de Sylvie Boursier

La liberté ça ne se donne pas, ça se prend, pour faire son trou avant qu’on fasse le vôtre ! On suit Annette, une jeune fille de 16 ans arrivée au Bon Pasteur dans les années 1950, sur demande de son père, par voie de « correction paternelle ». Les congrégations religieuses du Bon Pasteur géraient des maisons de redressement dans toute la France (on en comptait 43 en 1955) et accueillaient « les fugueuses, les apaches, les crapuleuses, les prostituées, les errantes, les perverses, les voleuses, les rebelles, les insoumises, les invaincues, les hystériques, les vagabondes, les opposantes, les butées », autant dire la majorité des mineures de familles modestes entre 14 à 18 ans considérées comme déviantes, difficiles, coupables d’être désirantes, coupables d’être nées.

Au Bon Pasteur, Annette, c’est Inès Quaireau, au jeu intense et physique, dans un seul en scène écrit par Sonia Chiambretto qui laisse un temps de répit de prime abord pour se lancer pleinement dans un marathon contre la mort lente, un implacable réquisitoire et une interprétation impeccable de la jeune comédienne qui balance du bois, là et quand il faut, retenez son nom.

Au début, un miroir en fond de scène réfléchit le public, levant le voile sur une violence toujours actuelle dans le secret des lieux de non droit. La scénographie va à l’essentiel, Inès Quaireau incarne toutes les voix, il lui suffit d’étaler devant nous les vêtements civils des jeunes filles, affublées de trois vilaines blouses à leur entrée, une pour le travail, une pour la prière et une pour les sorties (quelle ironie !) la communauté du Bon Pasteur nous regarde à la fin, condamnée sans jugement, invisibilisée, traitée comme un rebut de la société. « Si tu n’es pas sage, on va t’envoyer au Bon Pasteur », disent les familles.

Nues, elles sont fouillées dans un grand couloir et prennent froid, on leur confisque leurs affaires personnelles, le pire est la visite gynécologique, « tu aimais bien ça pourtant ». Au Bon Pasteur, Marcial di Fonzo Bo orchestre ce récit en quadrillant la scène vide dans un plan séquence visuel, avec différents espaces et quelques objets, une caisse, un sac de boxe et un gros enregistreur. Tout est parfaitement lisible. Annette reste verticale et réussit même à fédérer autour d’elle ses sœurs de misère, dans un épilogue à la vol au-dessus d’un nid de coucou, quand les pensionnaires psychiatrisés se saisissaient d’un radiateur et s’en servaient pour exploser la fenêtre, et s’enfuir vers la liberté.

Au Bon Pasteur, sans pathos, donne la parole à une de ces desperadas guerrières et victimes, grandes gueules et enfantines, qu’on entend rarement, non princesse sacrifiée mais vraie reine de l’abîme. Il n’hésite pas à travailler le spectateur à l’estomac avec une insoumise en jogging d’aujourd’hui, qui montre que n’importe où, il y a toujours quelque part une faille par laquelle les vieux démons peuvent s’introduire. Quand l’ordre moral s’allie à l’intégrisme religieux, la perversité a le champ libre.