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Au bois de Claudine Galea, mise en scène de Mathilde Modde au Lavoir Moderne Parisien

Avr 10, 2023 | Commentaires fermés sur Au bois de Claudine Galea, mise en scène de Mathilde Modde au Lavoir Moderne Parisien

 

   © Christophe Raynaud de Lage   

 

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier  

« Nous n’irons plus au bois » il est plein de seringues, de cannettes de bière et de capotes, exit la mère grand, la confiture et le petit pot de beurre, la bobinette ne cherra plus.

La belle au banc dormant a des rêves d’ogresse, plaque tout et s’aventure au petit bois pourri ; le loup, elle n’en ferait bien qu’une bouchée ! Pendant ce temps sa fille insoumise est en pleine crise d’adolescence. Le loup, vieux beau sur le retour préfère les tendrons aux femmes mures, quant au chasseur bien sous tous rapports c’est un pervers de la pire espèce. La mémé peut aller se brosser, les visites dominicales c’est fini. Le bois, au milieu de tout ça commente l’action, annonce les personnages et pressent l’imminence de la cérémonie tragique à venir.

Claudine Galea détourne le conte initial et fait entendre une autre histoire du petit chaperon rouge ou la peur change de camp, dont s’empare le collectif Chamarre pour une adaptation trash et brillante.

Les 4 poteaux du plateau délimitent l’espace de jeu avec le bois au centre. Comme sur un manège, chasseur, loup, mère et fille tournent, se jaugent, soliloquent. Chacun son coin, la mère à jardin et la fille à cour. Comme dit la comptine, ils courent, ils courent, les 4 furets autour de la forêt truffée de sacs plastiques ; séparés le temps d’un rondeau ils se retrouvent en chanson, volée de moineau qui se tient chaud et se donne du courage pour la suite. La scénographie, à la manière d’un thriller, joue très habilement de la lumière et de la bande son : une boite à musique grelotte bizarrement, d’’étonnants bruits de grenouilles, des piaillements d’oiseaux hitchcockiens parviennent à nos oreilles dans la demi obscurité d’un crépuscule laiteux présage de catastrophe. L’apparition des comédiens a quelque chose de fantomatique tels des animaux pris entre les phares d’un véhicule, leur voix amplifiée vire au cauchemar au son du derbouka et de la caisse claire.

Les acteurs jubilent et croquent les mots d’un auteur qui bouscule les codes habituels. Claudine Galea mélange prose et vers, supprime la ponctuation, certains passages peuvent être dits par des personnages différents comme si le collectif primait sur l’individu, personne n’a de nom. Sa prose métaphorique témoigne d’une sensualité à fleur de peau, la mère  « eut envie de foie gras Se lécha les babines Signe indistinct de plaisir Mère dans son lit en son déshabillé […] eut envie de caviar Qu’elle n’avait jamais gouté De Pommard Jamais bu ce nectar Et sorbet Ce n’était pas sorcier mais quand même bizarre », faim du loup et du chasseur confondus « Petit bois pour pieds grand bottés Cours belette Chasseur se tient à la fenêtre Tient loup en son collimateur et petit pot de beurre ».

Berceuse, mélodie, brame, complainte, on passe allégrement du parlé au chanté. Louise Rieger compose une mère en état de grâce, Thomas Roy est un étonnant chasseur frimeur, rock star miteux. Antoine Chicaud, le loup, compte les points et attend son heure, rusé comme un singe, il faudrait tous les citer. Désir et danger, amour et haine, vie et mort, enfance et vieillesse Mathilde Modde relie tous ces thèmes pour une mise en scène digne des grands contes modernes.

Etrange Nuit du chasseur, les chaperons ne se laissent plus traquer, les filles se défendent bec et ongles. C’est le retour du refoulé cher à papa Freud, la nature bafouée reprend ses droits, les chasseurs sachant chasser se font gibiers ; au fond des bois la riposte se prépare, les louves aux crocs d’acier ont envahi la nuit.

Ne ratez pas le très beau travail de la compagnie Chamarre  et découvrez la plume magnifique de Claudine Galea !

 

    © Christophe Raynaud de Lage

 

Au bois texte de Claudine Galea

Mise en scène : Mathilde Modde

Son : Joan Cunha

Lumière : Clara Coll-Bigot

Avec : Anne Budde, Antoine Chicaud, Mélisande Dorvault en alternance avec Louisa Chas, Louise Rieger, Thomas Roy

 

Durée : 1h 15

Du 5 au 9 avril à 21h

Lavoir Moderne Parisien

35 rue Antoine Léon

75018 Paris, le dimanche à 17h

 

Tournée en cours d’organisation

Réservation : 0146060805

Lavoirmoderne.com

Au bois de Claudine Galea est publié aux éditions Espaces 34

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