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Assembly Hall, conception de Crystal Pite et Jonathan Young / Kidd Pivot, au Théâtre de la Ville / Sarah Bernhardt

Avr 03, 2024 | Commentaires fermés sur Assembly Hall, conception de Crystal Pite et Jonathan Young / Kidd Pivot, au Théâtre de la Ville / Sarah Bernhardt

 

© Michael Slobodian

fff article de Denis Sanglard

 Il était une fois dans une salle municipale polyvalente, gymnase et salle des fêtes… Il était une fois donc une association, « l’ordre bienveillant et protecteur », qui chaque année organisait « the quest fest », la fête de la quête, mise en scène d’un conte médiéval avec force chevaliers, un roi et une princesse comme il se doit. Seulement rien ne va en ce monde et l’assemblée en ces lieux doit voter la dissolution de l’association qui n’a plus la côte, devenue obsolète. Oui, mais quelque chose résiste, pugnace, en chacun des participant un chevalier sans nom sommeille, une princesse pleure son héros disparu, un roi se meurt. Et dans cette salle de théâtre, sur son petit plateau, les fantômes des quêtes passées hantent toujours les lieux. Bientôt la frontière entre la réalité et l’imaginaire devient poreuse et cette assemblée plénière se métamorphose en un récit médiéval, une fantaisie héroïque pleine de bruit et de fureur, de vengeance et de romance, de combats épiques et d’amour romantique. A l’aune de son personnage chacun se révèle tel qu’il se rêve, guerrier preux et sans peur, héros vainqueur ou vaincu où la question du vivre ensemble, de la communauté, des valeurs communes et des passions partagées, participe aussi d’une croisade épique, un combat vertueux, un graal à atteindre où l’intime et le collectif se défient, s’’affrontent et se rassemble.

Hybridation comme toujours entre le théâtre et la danse, Crystal Pite et Jonathan Young dont c’est la troisième collaboration, signent avec Assembly Hall une chorégraphie comme toujours inventive et narrative en reprenant ce qui fait sa particularité et son originalité, un « ventriloquisme chorégraphique » où le texte préenregistré et joué en playback et dénoncé comme tel, véritable partition musicale, impose aux danseurs un rythme particulier. Le mouvement étiré ou rétracté au maximum, désarticule les corps toujours à la limite de se rompre, les personnages réduits au final à n’être que des marionnettes, accusant l’artifice de la théâtralité. Crystal Pite et Jonathan Young jouant en toute liberté de la distorsion entre ce qui est énoncé et ce qui est dansé, chorégraphié, évite avec intelligence toute redondance. Surtout ils enchâssent à ce qui est proféré un autre discours, en creux, ouvrant des perspectives inédites et imprévisibles, le paysage mental, l’imaginaire inépuisable et fantasques des personnages que le corps trahit malgré lui, révélant des vérités inavouables et des désirs enfouis. C’est là, dans cette friction explosive, disruptive et continue que la danse-théâtre de Crystal Pite et Jonathan Young apparait à son plus haut niveau dramaturgique dans l’expression dynamique de nos passions contradictoires.

De tableaux vivants pour illustration des champs de bataille, et non sans humour plus proche de Sacrée Graal des Monty Piton – et, osons le dire du meilleur de Benny Hill -, que de l’Excalibur de John Boorman, de solo ou duo incandescents d’un pur classicisme contemporain, la réalité ne cesse de s’estomper, la mémoire des lieux, son histoire et ses fantômes de surgir, et le conte médiéval de devenir l’avatar vertigineux et héroïque, la légende de cette association qui se refuse à mourir, à céder à la modernité sans avoir bataillé ferme. Il règne sur le plateau une joyeuse liberté frondeuse, le goût du si magique de l’enfance, qui d’un simple bâton de bois faisait notre épée, des moulins quelques géants et des tréteaux de théâtre un vaste royaume enchanté.  Et c’est peut être ça qui bouleverse le plus dans cette création ludique teintée de gravité, qui ne cesse, au final, en convoquant fantômes et héros, en rassemblant les vivants dans une même geste héroïque, de vouloir conjurer la mort. « La vérité légendaire est d’une autre nature que la vérité historique. La vérité légendaire, c’est l’invention ayant pour résultat la réalité. » Victor Hugo

 

© Michael Slobodian

 

Assembly Hall, création de Crystal Pite et Jonathan Young / Kidd Pivot

Texte et direction : Jonathan Young

Chorégraphie et Direction : Crystal Pite

Composition et création sonore : Owen Belton, Alessandro Juliani, Meg Roe

Scénographie : Jay Gower Taylor

Vidéo : Cybèle Young

Lumière : Tom Visser

Costumes : Nancy Bryant

Régie vidéo et programmation sonore : Eric Chad

Assistant des créateurs : Eric Beauchesne

Musique additionnelle : Tchaïkovski

Avec : Brandon Alley, Livona Ellis, Rakeem Hardy, Doug Letheren, Rena Narumi, Ella Rothschild, Renée Sigouin & Nasiv Kaur, Julian Hunt (remplaçants)

Direction vocale : Meg Roe

Voix : Ryan Bell, Marci T. House, Alessandro Juliani, Meg Roe, Gabrielle Rose, Amanda Sum, Vincent Tong, Jonathan Young

 

Du 2 au 5 avril et du 13 au 17 avril

A 20h, dimanche 17h, relâche le lundi

 

Théâtre de la Ville / Sarah Bernhardt

2 place du Châtelet

75001 Paris

 

Réservations : 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

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