À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Armide, Drame héroïque de Gluck, livret de Philippe Quinault, direction musicale de Christophe Rousset, mise en scène de Lilo Baur, à l’Opéra-Comique

Armide, Drame héroïque de Gluck, livret de Philippe Quinault, direction musicale de Christophe Rousset, mise en scène de Lilo Baur, à l’Opéra-Comique

Nov 08, 2022 | Commentaires fermés sur Armide, Drame héroïque de Gluck, livret de Philippe Quinault, direction musicale de Christophe Rousset, mise en scène de Lilo Baur, à l’Opéra-Comique

 

 

© S. Brion

 

 

ƒƒ article de Denis Sanglard

Armide, où les amours du chevalier Renaud et de la magicienne Armide, inspiré de La Jérusalem délivrée du Tasse, opéra de Gluck composé en 1777 sur un livret de Quinault mis en musique par Lully en 1686, est considérée comme un sommet de l’art lyrique. Partition complexe et fort riche, d’une grande expressivité dramatique, dégraissée de toute afféterie, loin du baroque donc, qui demande aux interprètes un nuancier dans l’interprétation tragique d’une grande finesse. Si la baguette de Christophe Rousset délabyrinthe avec bonheur cette partition, attentif aux moindres inflexions, il n’en est pas de même, hélas, de la mise en scène. Lilo Baur semble en panne d’inspiration, déroutée peut-être par l’ampleur de la tâche. Il ne se passe rien sur le plateau, tout est convenu, brouillon parfois, d’une platitude exaspérante. Manque ici un point de vue, un angle d’attaque, tout reste littéral et sans invention aucune. L’invocation des démons ou la scène du jardin aurait pu donner lieu à quelque chose d’extraordinaire, de surnaturel, usant des artifices de l’opéra, mais rien n’est proposé en ce sens, c’est à regret d’une grande pauvreté imaginative. Le malaise est palpable, règne un certain flottement, qui voit entre autres les chœurs en déroute sur le plateau, chorégraphié à l’emporte-pièce (un petit tour à droite, puis un petit tout à gauche, et on recommence) et d’une maladresse dans l’expression dramatique, pas très loin, oserons nous le dire, du patronage. Usant d’artifice qui parasite aussi les scènes, trois danseurs qui gigotent, à en devenir exaspérant, autour des interprètes et qui n’apporte rien à l’histoire. L’impression étrange de découvrir une mise en scène désuète quand on ne se souciait pas encore de révolutionner la mise en scène d’opéra. C’est parfois d’une naïveté de chromo sur ce plateau magnifiquement éclairée au long des scènes (lumières de Laurent Castaing), dans ce très beau et simple décor (Bruno de Lavenère), où les chanteurs quelques peu livrés à eux-mêmes, s’en sortent sans trop de dommage, évitant pour ce faire de ne pas trop en faire. Point d’enchantement ici et la magie, du point de vue scénique s’entend, n’opère pas. On a connu Lilo Baur qui n’est pas sans talent, bien plus inspirée.

Reste donc le talent des interprètes et l’allant de Christophe Rousset à la baguette dirigeant l’orchestre des Talents lyrique en pleine forme et dont il extrait le meilleur pour exprimer la profondeur d’une partition riche de nuances. Véronique Gens connaît parfaitement son Armide, le fond de son âme et ses méandres. Elle est tout entière vocalement et scéniquement le personnage. Une vraie tragédienne et l’héroïne de cette soirée, exprimant les nuances de son personnage, puissance et faiblesse, capable aussi d’intériorité. Il n’en est pas de même de Renaud, Ian Bostridge, dont la voix en ce soir de première semblait tendue et aussi raide que son interprétation, sans nuance ni expression aucune. Le baryton-basse Edwin Crossley-Mercer vocalement imposant impose toute l’autorité de son personnage. Anaïk Morel, bien qu’empêtrée dans son costume, est une Haine inquiétante et rageuse que sa voix large de Mezzo-soprano accentue davantage. L’engagement sans faille du baryton Philippe Estèphe (Aronte / Ubalde) et du ténor Enguerrand de Hys (Artémidore / Le chevalier Danois), chacun dans leur double rôle, alliant expressivité de la voix et un sens du jeu certain fait merveille. De même les soprani Florie Valiquette (Sidonie, Mélisse, une bergère) et Apolline Raï-Westphal (Phénice, Lucinde, Plaisir et une naïade) voix suaves aux souples et sensuels aigus, offrent un contre-point lumineux au sein de cette tragédie. Le chœur Les éléments, préparés par Joël Suhubiette, font oublier quelque peu la maladresse (sic) de leur jeux (dont ils ne sont certes pas responsables) par leur grande musicalité et leur talent évident. L’enchantement de cette soirée fut c’est certain de ce côté-là, de la musique de Gluck, qui aura su résister à une mise en scène dont on attendait beaucoup, sans doute trop, et la déception de ce côté-ci fut à la hauteur de l’attente.

 

 

© S. Brion

 

Armide drame héroïque en cinq acte de Gluck

Livret de Philippe Quinault

Direction musicale : Christophe Rousset

Mise en scène : Lilo Baur

Décors : Bruno de Lavenère

Costumes : Alain Blanchot

Lumières : Laurent Castaing

Cheffe de chant : Brigitte Clair

Chef de chœur : Joël Suhubiette

Assistante à la mise en scène : Céline Gaudier

Avec : Véronique Gens, Ian Bostridge, Edwin Crossley-Mercer, Anaïk Morel, Philippe Estèphe, Enguerrand de Hys, Florie Valiquette, Appoline Raï-Westphal

Danseurs : Fabien Almakiewicz, Nicolas Diguet, Mai Ishiwata

Chœur : Les Eléments

Orchestre : Les talents lyriques

 

 

Les 5, 7, 9, 11, 15 novembre 2022 à 20 h

Le 13 novembre 2022 à 15 h

 

Opéra-Comique

1 place Boieldieu

75002 Paris

 

Réservation : 01 70 23 01 31

Opera-comique.com

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed