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Après la répétition / Personna, texte d’Ingmar Bergman, mise en scène de Ivo van Hove, au Théâtre de la Ville

Nov 10, 2023 | Commentaires fermés sur Après la répétition / Personna, texte d’Ingmar Bergman, mise en scène de Ivo van Hove, au Théâtre de la Ville

 

© Vincent Bérenger

 

f article de Denis Sanglard

Rien, c’est ce que dit Elizabeth Vogler sortant de son mutisme. Rien, c’est ce qu’on se dit au sortir de trois heures de spectacle, il ne s’est rien passé qu’un ennui profond, une incompréhension sans doute, une déception sûrement. Ivo van Hove met en scène Après la répétition et Personna, deux scénarii de Bergman, associant l’un et l’autre en un diptyque. Œuvres miroirs, mise en abyme du théâtre, de son rapport ambivalent et poreux avec la réalité, de sa fabrique nourrie de la dévoration des êtres qui en font métier, leur solitude, jusque la folie parfois. Après la répétition, un metteur en scène, Henrik Vogler, pour qui le théâtre est toute sa vie tente de convaincre une jeune actrice, Anna, dont la mère eut une passion destructrice avec lui, de ne pas arrêter le métier. Des rapports ambigus s’instaurent. Dans Personna une actrice, Elizabeth Vogler, devant le sacrifice consentie à son art qu’elle refuse désormais, se réfugie dans le mutisme après avoir joué Electre. Alma, une jeune infirmière, tente de briser ce silence, se confie à elle.

Rien ne va, du moins dans la première partie. Dans cet espace clos, boite grise pour loge, espace de répétition, il ne se passe rien, rien du déchirement, des enjeux (dramaturgiques) attendus. Charles Berling ne donne à son personnage aucune épaisseur, reste à la surface de son personnage. Un jeu sans surprise ni nuance, tristement convenu, qui évite les méandres d’un personnages bien plus complexe de l’image qu’il en donne, d’une fadeur et raideur insupportable, bourrée de clichés, loin d’être un metteur en scène habité, torturé corps et âme par son art. Face à lui Emmanuelle Bercot ne dépasse pas le cliché, elle aussi, de l’actrice alcoolisée, hystérique. Pourtant son personnage ici d’une comédienne vieillissante, blessée en proie à la dépression, à l’abandon, aurait mérité mieux que ce traitement par trop simpliste. Enfin il reste Justine Bachelet, sensible, pour sauver du désastre cette première partie qui vire très vite au théâtre bourgeois, sans aspérité, loin, bien loin des intentions et questions profondément existentielles de Bergman. Justine Bachelet d’une grande justesse, merci à elle, résiste heureusement à Charles Berling et ne sombre pas avec lui, apportant à son personnage l’humanité et le trouble qui manque à l’ensemble de cette première partie.

Personna ouvre sur une image saisissante. Elizabeth Vogler nue, le corps tordu, sur une table (de dissection ?), image aride et franche de la souffrance. Ivo van Hove nous revient se dit-on. Arrive le médecin (Elisabeth Mazev, impeccable comme toujours) qui la confie à une infirmière, Alma. De l’hôpital qu’on imagine psychiatrique, nous passons bientôt au bord de la mer, le plateau entouré d’eau devient une île qui enclos nos personnages. Enfin quelque chose bouge, advient que l’on espère pérenne ; le silence d’Emmanuelle Bercot est finement habité, son écoute se nuance, le corps se dénoue, exprime ce que la bouche se refuse à dire. Et Justine Bachelet fait montre encore ici, de tout son talent dans le rôle de l’infirmière se confiant sans réserve. Mais lentement quelque chose se délite. Il manque un véritable souffle que la mise en scène ne parvient pas à donner. La direction d’acteur est précise, oui mais cela ne suffit pas. Ivo van Hove, comme dans la première partie n’arrive pas à décoller du texte, prolixe il est vrai, en reste à une littéralité, un exercice d’admiration pour un auteur/cinéaste, sans réel point de vue ou de critique, nous semble-t-il, qui l’étouffe, que la scénographie et quelques effets scéniques bouleversant (une pluie intense qui tombe soudain en bourrasque et rapproche Elizabeth et Alma) ne parvient pas à sauver. L’ennui, oui, finit par nous gagner. Où est passé la pertinence et l’originalité d’Ivo van Hove ? Pas ici c’est certain, dans cette création sans relief.

 

© Vincent Bérenger

 

 

Après la répétition / Personna, d’Ingmar Bergman

Mise en scène : Ivon van Hove

Dramaturgie : Peter van Kraaij

Traduction : Daniel Loayza

Scénographie et lumière : Jan Versweyveld

Conception sonore : Roeland Fernhout

Costumes : Ann d’Huys

Assistant à la mise en scène : Mathieu Dandreau

Assistant lumière : Dennis van Sheppingen

Assistant décors et scénographie : Bart Van Merode

Assistantes costumes : Anna Gillis et Sandrine Rozier

 

Avec Emmanuelle Bercot, Charles Berling, Justine Bachelet, Elizabeth Mazef

Et la voix d’Isabelle Huppert

 

Du 6 au 24 novembre 2023 à 20h

Samedi 11 novembre 15h

 

Théâtre de la Ville- Sarah Bernhardt

Place du Châtelet

75001 Paris

 

Réservations : 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

 

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