© Pasquini
ƒ Article de Victoria Fourel
Sommes-nous les victimes ou les responsables de nos imaginaires ? Qui sont-ils, ceux qui peuplent nos nuits ? Dans une création chorégraphique faite de saynètes diverses, les danseurs de cette Anthologie explorent les cauchemars, leurs facettes et les créatures qui y vivent.
Tout d’abord, on apprécie d’assister à un spectacle « total. » En un format relativement court d’une heure, la musique, la vidéo, le masque et la danse proposent une véritable interprétation thématique. Cela prouve une réelle recherche iconographique, à la fois dans la littérature, le conte, et la pop culture.
Le problème d’une telle forme se joue dans le rythme et dans la suite de saynètes. Une fois la surprise des premiers instants intenses passée, on s’attend à ce que le spectacle continue sur ce chemin, et cela ne manque pas. Le choix a été aussi fait de présenter les spectres et créatures sans leurs visages. Un voile est installé entre eux et nous. Les danseurs en deviennent forcément inquiétants, mais jamais on n’a l’impression que cette inquiétude est vraiment la nôtre. Comme si tout se produisait très loin de nous. On ne se prend pas à s’imaginer prisonnier de ces rêveries sinistres. Pas assez immersif, peut-être ? Dommage.
Il y a des moments que chacun s’approprie, de façon très personnelle, en fonction de son histoire, de ses rêves, et aussi des personnages qui l’accompagnent au cours de la vie. On est parfois touchés, par exemple quand les danseurs semblent empêtrés dans leurs propres corps, comme dans une toile d’araignée invisible.
En chorégraphie, la part belle à été faite à un jeu autour des articulations. Terriblement humaines, elles peuvent devenir très inquiétantes lorsque tordues, ou utilisées différemment. C’est d’ailleurs quelque chose de très courant dans l’horreur moderne : le corps humain qui s’abîme.
Il est seulement dommage là aussi que de nombreux personnages croisés dans le spectacle se ressemblent, et ne donnent pas à voir plus de facettes de ce qu’est le cauchemar. C’est un choix bien sûr, un choix d’univers, mais le cauchemar, n’est-ce pas aussi le réel ? Le réel déréglé, dangereusement proche de la vraie vie ? D’autres directions laissées de côté, à tort ou à raison.
Le rêve et le cauchemar sont des thèmes passionnants, qui continuent d’inspirer, des livres aux séries télé. On est ici dans une interprétation entre danse et théâtre d’objets, pleine d’idées très ancrées dans un univers, qui aurait peut-être pourtant dû tenter de varier les inspirations et les rythmes. Reste à savoir maintenant si le public en aura fait des cauchemars…
© Pasquini
Anthologie du cauchemar, mise en scène, musique, et conception vidéo Karl Biscuit
Chorégraphie Marcia Barcellos
Costumes Christian Burle
Lumière Julien Guérut
Avec Tuomas Lahti, Tom Lévy-Chaudet, Lucille Mansas, Daphné Mauger, Sara Pasquier
Du 4 au 8 juin 2019 à 20h
Théâtre des Célestins
4 rue Charles Dullin
69002 Lyon
Réservation 04 72 77 40 40
www.theatredescelestins.com
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