À l'affiche, Critiques //  Anna Karénine de Léon Tolstoï mise en scène de Gaëtan Vassart, au Théâtre de la Tempête.

 Anna Karénine de Léon Tolstoï mise en scène de Gaëtan Vassart, au Théâtre de la Tempête.

Mai 24, 2016 | Commentaires fermés sur  Anna Karénine de Léon Tolstoï mise en scène de Gaëtan Vassart, au Théâtre de la Tempête.

ƒƒ Article de Victoria Fourel

Anne Karenine Photo ldroits du Bal mai 2016

© DR

Femme séduite et séduisante, femme à la recherche d’entièreté et de dévotion. Anna Karénine est magnétique dans une Russie où les femmes cherchent la liberté de se défendre, de se décider, de n’être pas seulement dépendantes des désirs des uns et des autres.

Le drame et la rudesse de l’oeuvre de Tolstoï est prise à bras le corps dans cette mise en scène de Gaëtan Vassart. Les voyelles sont parfois traînantes, les émotions sont à fleur de peau, la poésie est déclamée. Y compris chez Anna, la fragilité et la souffrance sont complètement à nues, devenant même parfois un peu trop prégnantes, prises au premier degré. Les personnages de Stepan et Dolly, vecteurs d’humour, sont eux aussi abordés dans une franchise totale, et même si le tout manque parfois de relecture et de vrai parti pris, il y a un vrai engagement. Engagement que l’on entrevoit d’autant plus lorsqu’Anna, démunie héroïne de tragédie se lance dans un monologue final massif et désespéré, où plus rien ne traîne, où tous les mots sont ciselés, précis, où plus rien n’est superflu. Golshifteh Farahani surprend parfois dans une interprétation un peu excessive, dans le souffle et la séduction, mais où soudain point à la fois, la mante religieuse, l’amoureuse transie, et la rigueur des sentiments.

Il y a de très belles images au plateau, une belle utilisation des matières dans les costumes et dans les lumières. On est transporté dans une Russie dépaysante, entre froid glacial et chaleur, entre tradition et révolution. Il y a de la modernité dans l’utilisation des accessoires, des chaises, notamment, que l’on utilise dans toutes leurs possibilités scéniques, de la plus réaliste à la plus inventive. A l’inverse, il y a quelques faux-pas dans une adaptation qui s’avère compliquée. Les enchaînements entre les scènes tâchent d’être dynamiques sans que cela soit très évident. La forme narrative du roman autorise davantage les descriptions, les ellipses, les scènes de quotidien, contrairement à la forme théâtrale, qui, pour tenir le spectateur en haleine se doit d’être concise, et dans l’action. Ainsi, on sent la difficulté d’adapter le roman à la scène, et notamment la sensualité que peut créer la description omnisciente d’un personnage ou d’une rencontre, chose qu’il est difficile de cerner au plateau sans perdre en dynamique.

Passant en revue tous les aspects de l’œuvre de Tolstoï, de la condition des femmes au renouveau politique attendu, de la poésie grandiloquente des héros tragiques à la précision d’écriture de chaque personnage, cette mise en scène est un moment fascinant par ses images et sa technique. Même si le spectacle perd parfois en dynamique ou s’il peine à se sortir de la langue romanesque, il dégage du caractère, un plaisir à porter le propos très actuel de Tolstoï, et de l’amour pour la lumière sur les visages. Anna Karénine elle-même n’aurait pas voulu faire autre chose.

Anna Karénine
Texte Léon Tolstoï
Mise en scène Gaëtan Vassart
Avec Golshifteh Farahani, Emeline Bayart, Xavier Boiffier, Sabrina Kouroughli, Xavier Legrand, Manon Rousselle, Igor Skreblin, Stanislas Stanic, Alexandre Steiger.

Du 12 mai au 12 juin.
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h.

La Cartoucherie – Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Métro Château de Vincennes (ligne 1)
Réservation 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr

Be Sociable, Share!

comment closed