© Julian Röder
ƒ Article de Sylvie Boursier
Avez-vous déjà été sous morphine ? Cet antalgique puissant fait voir la vie en rose, bleue, jaune avec l’impression de savoir à l’avance ce que les gens vont dire car ils l’ont déjà dit dans une autre vie et si ça tourne mal vous pouvez toujours vous réveiller comme dans les rêves.
Angela (Ixchel Mendoza Hernandez) est visiblement sous morphine à moins qu’il ne s’agisse d’un autre opiacé censé la soulager du mal étrange dont elle se plaint. Elle regarde sans regarder, articule une conversation courante pré enregistrée qui provoque une brusque inquiétude chez sa mère (Kate Strong) son compagnon Brad (Dominic Sandia) et une amie (Tarren Johson). Le plus clair de son temps est consacré à l’enregistrement de conversations sur son smartphone qu’elle repasse en boucle ou à la réalisation de vidéos psychédéliques. Elle vit ou revit, allez savoir, sa naissance, un accouchement buccal, le vieillissement et la mort dans son vrai faux appartement jaune citron verdâtre qui ressemble au loft d’une téléréalité avec des caméras cachées derrière des miroirs et des images en différé. La bouilloire en trompe l’œil fume réellement.
Est-ce un couloir de la mort, cette vidéo de tunnel tagué débouchant sur un univers rougeoyant lancinant ? Que fait cet ourson de dessin animé qui cite Nietzsche ? Qui est Angela ? un hologramme, une projection multimédia ou un être de chair et de sang ? difficile à dire, un être en mutation peut être, un pied dans l’au-delà, vivante ou morte, à vous de voir. Les couleurs, les images de synthèse et le bruit lancinant d’un ventilateur saturent nos capteurs.
Performance plastique ou théâtre expérimental ? peu importe finalement, nous sommes frustrés et on se demande ce que l’on fait là, probablement le but recherché. On aimerait changer de chaine. Nos vies sont-elles devenues des films en 3 D que l’on regarde sans pouvoir séparer le vrai du faux tant facebook, Instagram, Netflix ou Tiktok manipulent notre espace vital ? les corps et technologies en rhizomes créent de nouveaux rapports de dépendance, des boucles de feedback perpétuelles, un état inflammatoire généralisé en lien hypertexte.
Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable alors à vos risques et périls. Du jamais vu, c’est certain. « Dans ce monde qui glisse, qui se suicide » disait Antonin Artaud le théâtre comme la peste pousse à « prendre en face du destin une attitude héroïque », serait-ce le message subliminal de Suzanne Kennedy, sortir de notre catatonie ? On ne comprend rien, strictement rien à Angela comme à Muholland Drive mais Suzanne Kennedy n’a pas la puissance hypnotique d’un David Lynch.
© Julian Röder
Angela (a strange loop) texte de de Suzanne Kennedy
Mise en scène : Suzanne Kennedy et Markus Selg
Vidéo : Rodrik Biersteker et Markus Selg
Lumière : Rainer Casper
Costumes : Andrea Dumitrascu
Avec : Diamanda La Berge Dramm, Ixchel Mendoza Hernández, Kate Strong, Tarren Johnson, Dominic Santia
Voix : Diamanda La Berge Dramm, Cathal Sheerin, Kate Strong, Rita Kahn Chen, Rubina Schuth, Tarren Johnson, Susanne Kennedy, Ethan Braun, Dominic Santia, Ixchel Mendoza Hernández, Marie Schleef, Ruth Rosenfeld Tarren Johson, Ischel Mendoza Hernandez.
Bande sonore : Richard Alexander, Diamanda La Berge Dramm
Musique live : Diamanda La Berge Dramm
Jusqu’au 17 novembre
du mardi au samedi à 20h
Durée :1h45
Odéon-Ateliers Berthier
1 rue André Suarès
75017
Réservations : 0144854040
Tournée :
Les 29 et 30 novembre 2023 : Volksbühne Rosa-Luxemburg Platz, Berlin, Allemagne
Les 8 et 9 Mars 2024 : Theatro National Sao Joao, Porto, Portugal
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