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Andromaque de Jean Racine, mis en scène par Stéphane Braunschweig, Odéon – Théâtre de l’Europe

Nov 21, 2023 | Commentaires fermés sur Andromaque de Jean Racine, mis en scène par Stéphane Braunschweig, Odéon – Théâtre de l’Europe

 

© Simon Gosselin

 

 ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

 L’on sait qu’en dépit de sa stricte éducation janséniste, Racine se tourna très tôt vers une vie intime et mondaine riche ; des péchés de jeunesse ayant sans doute nourri son penchant pour les histoires passionnelles. Comme on le sait aussi les histoires d’amour finissent mal, en général…

Bien avant Phèdre, à 28 ans seulement, il écrit Andromaque qui est l’une des plus grandes tragédies des amours impossibles et son premier grand succès dès sa création (1667). Pyrrhus aime Andromaque qui aime Hector, son mari défunt tué par Achille (père de Pyrrhus), Oreste aime Hermione, la fille d’Hélène promise à Pyrrhus, Hermione n’aime pas Oreste et le manipule et est elle-même manipulée par Pyrrhus qu’elle aime. Les frustrations amoureuses et les relations toxiques, dirait-on aujourd’hui, déclenchent des réactions en chaîne, attisent les rapports de force dans les relations privées qui ont en outre des conséquences sur les relations d’Etat. Car on est dans le contexte de l’après-Guerre de Troie. Et les vainqueurs sont autant dans l’impasse que les vaincus. Les tentations vengeresses s’exacerbent au fur et à mesure des échanges intra-personnels. Les trahisons stratégiques ou inconscientes se multiplient et s’enchevêtrent.

Ces exacerbation et tensions sont bien sensibles dans la mise en scène minimaliste de Stéphane Braunschweig qui avec cette création d’Andromaque signe sa troisième confrontation à Racine (après Britannicus en 2016 et Iphigénie en 2020). Les comédiens évoluent dans des vêtements contemporains sur un plateau habité par quelques chaises et une table comme seuls éléments immaculés du décor. L’essentiel de la dramaturgie repose sur une scénographie centrée sur une flaque (peu visible pour le public de l’orchestre), qui va se transformer en marre de sang. Les uns et les autres transitent par cet élément humide qui vient mouiller leurs vêtements comme leurs vies respectives, puis les souillent, ainsi que l’ultime carnage l’impose. Le Destin est implacable.

Le jeu des comédiens est d’une assez grande sobriété, même si les gestuelles répétitives (quoi que limitées aux déplacements et agitations des mains), ainsi que les placements sur le plateau semblent souvent incertains. Les mains dans les poches, Chloé Réjon, campe une Hermione assumant sa cruauté distante et calculatrice qui n’est que la couverture du désir et de la haine qui la consument. C’est elle qui incontestablement domine la distribution, face à l’héroïne jouée par Bénédicte Cerutti trop effacée dans un premier temps mais qui s’impose progressivement, tout comme Pierric Plathier, au fur et à mesure de la montée du tragique ; tandis qu’Alexandre Pallu propose un Pyrrhus chef de guerre en treillis dont les tourments intérieurs sont bien palpables.

Si la diction de l’ensemble de la distribution semblait montrer (en tout cas le soir de première) une hésitation initiale sur la manière de mettre ou non en valeur la rythmique des vers raciniens, l’impression se dilue au fur et à mesure pour ne laisser place qu’à la folie humaine qui nous suffoque par sa sauvagerie. Hasard ou pas de cette soirée, un certain nombre de spectateurs commentaient régulièrement par des onomatopées récurrentes les cheminements intérieurs des personnages sur scène, comme si chaque scène offrait des rebondissements inattendus. Créer un tel mouvement cathartique en 2023 est un tour de force.

 

© Simon Gosselin

 

Andromaque de Jean Racine

 

Mise en scène : Stéphane Braunschweig

Collaboration artistique : Anne-Françoise Benhamou

Collaboration à la scénographie : Alexandre de Dardel

Costumes : Thibault Vancraenenbroeck

Coiffures et maquillage : Emilie Vuez

Lumière : Marion Hewlett

Son : Xavier Jacquot

Assistant à la mise en scène : Aurélien Degrez

 

Avec : Jean-Baptiste Anoumon, Bénédicte Cerutti, Boutaïna El Fekkak, Alexandre Pallu, Pierric Plathier, Chloé Réjon, Jean-Philippe Vidal, Clémentine Vignais

 

Jusqu’au 22 décembre 2023

Du mardi au samedi 20h, le dimanche 15h

Durée 1h55

 

Odéon – Théâtre de l’Europe

Place de l’Odéon

75006 Paris

Réservation : www.theatre-odeon.eu

 

Tournée :

16 au 29 janvier 2024
Théâtre de Bordeau en Aquitaine

1er et 2 février 2024
Théâtre de l’orient – CDN

8 au 14 février 2024
Comédie de Genève

 

 

 

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