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Amer M. et Colette B., texte et mise en scène de Joséphine Serre, à La Colline – Théâtre national, Paris

Fév 02, 2022 | Commentaires fermés sur Amer M. et Colette B., texte et mise en scène de Joséphine Serre, à La Colline – Théâtre national, Paris

 

Amer M. © Benjamin Poree

 

article de Nicolas Thevenot

A qui s’adresser ? d’où parler ? pourquoi parler ? ces questions se posent très vite quand on assiste au diptyque écrit et mis en scène par Joséphine Serre, et en particulier dès sa première partie, Amer M.. Ces questions n’attendent évidemment pas de réponses écrites ni orales, non, elles interrogent une nécessité sensible, au-delà et en deçà d’une narration. Ces questions essentielles pour toute proposition théâtrale auraient dû redoubler d’intensité du fait de l’objet même que veut constituer Amer M. : une enquête et une tentative de reconstitution à partir d’éléments documentaires, un portefeuille retrouvé dans la boîte aux lettres de la dramaturge, contenant des documents administratifs et privés de la vie d’Amer M., kabyle venu travailler et resté en France depuis 1954.

Sur le papier, on pouvait s’attendre à un univers modianesque, où les signes du passé, fugitifs, affleurent et troublent le présent, augmentant encore l’incertitude : des adresses qui ont changé de nom, des réseaux de personnes dont les seules initiales nous sont révélées, des époques interlopes… rappelant que le passé ne se présente jamais cousu de fils blancs.

Au contraire, le texte de Joséphine Serre et les acteurs sous sa direction s’approprient sans beaucoup de scrupules les quelques éléments biographiques du portefeuille, assènent en force leurs vérités théâtrales et fabriquent du spectacle, en lieu et place du vivant. Sans être dans une sacralisation du vécu, sur une matière aussi fragile, aussi humaine, on pourrait espérer une approche plus sensible, plus éthique. Quelque chose de la distance à son objet nous a semblé profondément incorrect dans ce travail : trop éloigné à force de le travestir ou au contraire trop proche à force de le tirer à soi pour le seul bénéfice du spectaculaire. Joséphine Serre use des moyens dont peut abuser le théâtre contemporain (notamment les adresses au public) sans s’en donner les moyens : tout paraît fabriqué, car sans réelle organicité ni nécessité. On assiste à un spectacle complètement hors sol pour les acteurs et les actrices qui le portent, ce qui est un comble pour un spectacle voulant aborder les questions de l’émigration, de la colonisation. Le plus révélateur – et le plus insupportable – est l’utilisation des accents pour figurer au premier degré des personnages nord-africains. Comment un tel procédé est-il encore envisagé dans un théâtre national ? Personne pour voir l’enjeu moral d’une telle figuration de l’autre (ou devrait-on dire défiguration) ? L’altérité : point aveugle de ce spectacle.

Colette B. ne sortira pas complètement indemne des défauts grevant la première partie du diptyque, mais on aura été surpris par sa qualité et sa tenue, son ancrage, sans commune mesure avec Amer M. qui l’aura précédé. Peut-être faut-il y voir la présence d’une véritable pianiste sur la scène, figurant une Colette B. âgée. Cette présence précieuse et juste de bout en bout impose son être là avec simplicité, dans un temps délié de la narration, lumineuse comme une pièce de Debussy. Elle est le document en soi de Colette B., le vivant documentant la fiction théâtrale, imposant son éthique, quand ceux d’Amer M. exhibés à tour de bras, comme des monstres de foire, priés de se faire passer dans les rangs du public, n’en finissaient pas de disparaître dans la machine théâtrale.

Quelque chose avait enfin lieu, tissant sensiblement fiction et réel. Quelque chose pouvait commencer à s’incarner et à se partager.

 

Colette B. (répétitions) © Guillaume Compiano

 

Amer M., texte et mise en scène Joséphine Serre

Avec Guillaume Compiano, Xavier Czapla, Camille Durand-Tovar, Joséphine Serre

Voix en arabe Mounir Margoum et Déa Liane

Dramaturgie et assistanat Zacharie Lorent

Création vidéo Véronique Caye

Création lumières Pauline Guyonnet

Création sonore et régie générale Frédéric Minière

Scénographie Anne-Sophie Grac

Collaboration plastique Lou Chenivesse

Création costumes Suzanne Veiga Gomes assistée de Leslie Moquet

Responsable de confection Elea Lemoine

Costumière Isabelle Flosi

Collaboration artistique à la création Pauline Ribat

 

Du 29 janvier au 20 février 2022

Mardi et jeudi à 20 h, samedi à 18 h et dimanche à 15 h 30

Durée 1 h 40

 

 

Colette B., texte et mise en scène Joséphine Serre

Avec Guillaume Compiano, Xavier Czapla, Camille Durand-Tovar, France Pennetier, Joséphine Serre

Voix en arabe Mounir Margoum et Déa Liane

Dramaturgie et assistanat Zacharie Lorent

Création vidéo Véronique Caye

Création sonore Frédéric Minière

Création lumières Pauline Guyonnet

Scénographie Anne-Sophie Grac

Collaboration plastique Lou Chenivesse

Création costumes Suzanne Veiga Gomes assistée de Leslie Moquet

Responsable de confection Elea Lemoine

Costumière Isabelle Flosi

Régie générale Frédéric Minière

 

Du 29 janvier au 20 février 2022

Mercredi, vendredi, samedi à 20 h et dimanche à 17 h 30

Durée 1 h 40

 

 

La Colline — théâtre national

15 Rue Malte-Brun Paris 20e

Tél : 01 44 62 52 52

https://www.colline.fr

 

 

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