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All World Waacking Festival, Battle 2vs2, conception et direction artistique Josépha Madoki, au Grand-Palais, Festival Paris l’été

Juil 15, 2025 | Commentaires fermés sur All World Waacking Festival, Battle 2vs2, conception et direction artistique Josépha Madoki, au Grand-Palais, Festival Paris l’été

 

© Quentin Chevrier

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Ce 12 juillet le Festival Paris l’été commençait en fanfare ! Sous la houlette désormais de Marie Lenoir et Thomas Quillardais, cette nouvelle édition (la 35éme) affiche nettement sa différence avec la précédente direction de Laurence Magalhaes et Stéphane Ricordel. Multiplicité des lieux dans Paris – du Jardin des Tuileries à Belleville, en passant par le Domaine Régional de Villarceaux et du secret Village Reille dans le 14éme arrondissement, ou comme aujourd’hui au Grand-Palais, une volonté d’inclusion certaine et affirmée, un panorama de la création contemporaine dans sa diversité et son audace, ouverte grand sur le monde et la société dans sa complexité et richesse, à contre-courant de la politique actuelle qui ne voit que dans le camping son salut et sa définition frelaté d’un théâtre populaire qui n’est qu’un faux-nez populiste. C’est sous la verrière du Grand-Palais qu’un démenti cinglant et bienvenu confirmait l’absurdité d’une telle politique nationale menée obstinément et sans concertation, voire avec mépris pour les acteurs du secteur culturel, toutes catégories confondues, engagés vaille que vaille malgré les coups de boutoir et la cécité volontaires et sectaire d’une ministre qui n’a d’autre horizon obtus que la prise d’une mairie.

Dans la fournaise était réuni dans un même enthousiasme, un partage complétement fou et festif, un public enflammé par cette programmation inédite faisant joyeusement fi des générations et du genre pour une ouverture explosive qui ancre fermement ce festival dans l’émancipation absolue des formes. Heureuse idée d’avoir ainsi associé pour ce premier jour Josépha Madoki, alias Princess Madoki, danseuse, chorégraphe incontournable et figure majeure du Waacking, fondatrice du All World Waacking Festival, pour cette nouvelle édition qui lui offre ainsi l’opportunité de mettre en lumière, hors de son cadre habituel, cette danse puissante et dynamique. Flamboyante et expressive, une danse qui claque, née dans la marge des clubs gays noirs et latinos au mitan des années 70, période disco, laquelle était aussi une affirmation politique de soi et de sa différence devant le mépris et l’ostracisme d’une société conservatrice et raciste. Une danse de la joie, comme le définit si bien Princess Madoki, sortie des clubs, qui n’exclue nullement aujourd’hui encore une expression fortement identitaire comme cette battle le confirmât avec les vainqueurs de cette compétitions, les taiwanais Akudadiwa et Bogie, jouant la carte queer à fond devant leur concurrent belge Anka et Fuya, entre clins d’œil, clichés et autodérision. Et une formidable inventivité jusque dans l’improvisation.

© Quentin Chevrier

 

Le waacking se définit par un mouvement des bras et des mains inspiré des films de Kung-fu, du maniement du nunchaku précisément, dont Bruce Lee fut le modèle, associé au « posing », poses inspirés et augmentées de celles des stars glamours hollywoodiennes, Garbo, Monroe, Dietrich… (Il se dit que le Waacking était initialement appelée La Garbo, en référence à l’icône éponyme dont la sexualité gender fluide ne faisait pas mystère…). Une danse d’attitude, toute en contraste donc entre grande technicité et expressivité, vélocité et sensualité. Cette danse est théâtrale mais demande aussi à chaque danseur au-delà de la maîtrise technique – les mouvements de bras sont précis, redoutables et complexes – d’affirmer sa personnalité. Ils étaient donc plus de 150 couples ou binômes, tous genres confondus, toutes nationalités representées, de la Chine à la Pologne en passant par le Royaume-Uni ou l’Italie, à passer les sélections sous les yeux de trois jurés, trois experts, trois générations réunis et références absolues de la discipline. Le chorégraphe américain et pionnier de la discipline Bill Goodson, la coréenne Marid, lauréate depuis plus de dix ans de nombreux prix internationaux, et la française Oumrata Konan, vainqueure de la dernière édition All World waacking. Ces deux dernières, après le show case imparable de Princess Madoki et de sa compagnie, firent une démonstration éblouissante et fascinante de leur art, entre groove inspiré et glamour. Et l’on comprend combien cette danse, par son inventivité, son vocabulaire unique et ce qu’elle exprime dans son engagement singulier, a aussi innervé la danse contemporaine, inspirant d’autres chorégraphes à l’instar de Bintou Dembélé ou encore Sidi Larbi Cherkaoui.

 

© Quentin Chevrier

 

De la sélection jusqu’à la finale, l’ambiance sous la nef restaurée du Grand-Palais était électrique, les spectateurs encourageant chaque couple qui n’avait que deux fois une minute pour convaincre de leur talent le jury et défier leurs concurrents. Point d’agressivité pourtant mais une franche camaraderie, une complicité jamais prise en défaut. Surtout s’exprimaient là de vrais personnalités que le waacking affirmait sans conteste. C’est d’ailleurs ça qui accusait la différence et semblait partager autant le jury que le public. Un public qui n’a pas hésité lui aussi à danser lors des pauses, la salle étant surchauffée par la présence de la DJ Naajet au long de cette battle infernale. Pour certains du public ce fut sans doute une heureuse et épatante découverte mais preuve de sa toujours modernité et de ce qu’elle véhicule de politique et d’importance et ce n’était pas les babyboomer présents qui démontraient leur talent dans les travées mais bien la génération actuelle, affirmant eux-aussi et crânement une identité fluide et une ouverture d’esprit encouragés par le waacking qu’ils maîtrisaient peu ou prou.

De l’importance de la danse, qui peut être plus que de la danse, de la culture en générale et de ce Festival en particulier qui fait montre avec cette nouvelle direction d’un réel engagement et d’une certaine audace.

 

© Quentin Chevrier

 

All World Waacking Festival, Battle 2vs2, conception et direction artistique Josépha Madoki, alias Princess Madoki

Jury : Bill Goodson, Oumrata et Marid

Musique live : DJ Naajet

Maître de cérémonie : Matyouz

Show case : Compagnie Madoki : R2MI Bajrami, Mathias Idris Said, Oumrata, Suzanne Degennaro, Daniela Barbieri, Célia Derrahi, Princess Mmadoki

Système de vote et projection : Valentin Patry

Lumière : Marine Stroeher

Coordination : Annabel Paponet Tiphaine Auguste

Community Manager : Pauline Mioceckovitz et Clément Mahieu

Vidéaste : Tristan Mallard et Robin Schmitt Pentoscrope

Photographe : Duy-Laurent Tran

Direction de production : Dirk Korrel

Attachée de production : Camille Daudel de Windt

Production déléguée : camin aktion

Styliste : Arturo Obegero

Bénévoles : Bérénice Vanderley, Clément Worher, Elisabet Bohner

Coréalisation : Me GrandPalaisRmn et le Festival Paris l’été

 

Vu le 12 juillet 2025

 

Programme du festival : www.parislete.fr

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