© Jihye Jung
ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia
All over Nymphéas est déroutant. Déjà, il faut connaître ou apprécier l’esthétique et la gestuelle propres à Emmanuel Eggermont, dans la lignée de ses spectacles précédents, tous marqués par son rapport à l’art pictural (comme le travail sur le blanc avec Aberration en 2020 ou Polis en 2017 sur l’outre-noir inspiré de Soulages), mais aussi dans la fidélité de son maître Raimund Hogue, décédé l’année dernière, auquel il dédie d’ailleurs ce spectacle.
Les « Nymphéas », sont évidemment une référence à Monnet, à ce motif repris plus de 200 fois par le peintre de Giverny comme un leitmotiv musical, tandis que le « all-over » est une technique picturale utilisée notamment par Pollock. Avant même que le spectacle ne commence, la scénographie est simple mais en accord avec son titre et repose sur un tapis découpé bleu, qui s’avérera être modulable tel un tangram manipulé par les danseurs, ainsi que sur les mobiles de barres d’acier, avec lesquelles on aurait imaginé davantage d’interactions.
Emmanuel Eggermont ouvre le spectacle dans un pull bleu ciel à col roulé et bottines bleu canard à hauts talons qu’une autre danseuse portera plus tard. Car All over Nymphéas est aussi un défilé, un défilé de vêtements et de modèles, qui s’avancent souvent vers les spectateurs comme dans un catwalk, traçant des lignes droites et des parallèles sans interruption ou presque, ce qui rend le spectacle hypnotique, aidé par la musique répétitive de Julien Lepreux. L’hypnose peut conduire à la semi-conscience ou à l’endormissement. On avouera que l’on a parfois été dans le premier et parfois succombé au second. On retiendra les passages extrêmement drôles, tel celui très rythmé d’Emmanuel Eggermont chaussant des lunettes de soleil et enchaînant une chorégraphie pleine d’humour sans se départir de son sourire à la Joconde, ou le duo avec une danseuse se tournant autour avec des mouvements de gallinacées.
Si le travail de la précision des mains est le point commun des cinq danseurs, le degré de technicité, de précision et de beauté revenant incontestablement au chorégraphe, chaque artiste a une personnalité tout à fait propre et des spécialités stylistiques extrêmement diverses. On a découvert, ébahie, le danseur Mackenzy Bergile, dont la technique de hip hop (courant New school) est époustouflante que ce soit dans les traversées du plateau que dans les micros mouvements accroupi ou des omoplates. Avec l’allure d’un adolescent déambulant avec son cartable plexi-glass ou celle d’une Grace Jones en tailleur violet et chaussettes roses montantes, ses désarticulations sont fascinantes.
On ressort comme dans un état second, un peu étonnée de marcher sur les pavés de la rue bondée des Teinturiers, où les couleurs semblent moins vives qu’habituellement, et les démarches, gestuelles et accoutrements des festivaliers bien ordinaires.
© Jihye Jung
All over Nymphéas De Emmanuel Eggermont
Conception, chorégraphie, scénographie : Emmanuel Eggermont Collaboration artistique : Jihyé Jung
Musique : Julien Lepreux
Lumière : Alice Dussart
Costumes : Emmanuel Eggermont, Jihyé Jung, Kite Vollard
Avec : Éva Assayas, Mackenzy Bergile, Laura Dufour, Emmanuel Eggermont, Cassandre Munoz
Durée 1h20
Gymnase du lycée Saint-Joseph
Rue des Teinturiers
Avignon
Jusqu’au 13 juillet, 15h
Tournée :
Du 15 au 16 novembre 2022 Clermont-Ferrant
Le 10 janvier 2023 Marseille Klap, maison pour la danse
Du 20 au 22 janvier 2023 Genève, Pavillon ADC
Le 12 avril 2023, Douai , TANDEM Scène nationale Arras-Douai
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