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« AH/HA » de Lisbeth Gruwez, au théâtre de la Bastille

Mar 20, 2015 | Commentaires fermés sur « AH/HA » de Lisbeth Gruwez, au théâtre de la Bastille

ƒ article de Florent Mirandole

8-aa1@Victoriano Moreno

Le rire n’est pas joyeux. Du moins pas seulement. Le rire est aussi une gestuelle, une énergie qui s’empare des corps, les met en mouvement et au besoin les secoue. Telle une vague partie d’un point central, le rire est une vague qui se répand le long du corps pour revenir transformée en un souffle hoquetant et spasmodique. Quoi de plus physique que les crispations des corps après un éclat de rire, ou la déformation d’un visage rigolard ? S’emparant de cette énergie primaire, la chorégraphe flamande Lisbeth Gruwez tente de la canaliser et de traduire ses multiples facettes. Car le rire est un acte individuel que chacun traduit différemment, à l’aide de son corps, de son souffle, de ses cris.
Plus intéressant encore pour une chorégraphe, le rire est spontané et difficilement contrôlable. En ça il désinhibe et déshabille. Le rire est un masque qui tombe, un lâcher-prise dont peuvent jaillir les sentiments les plus contradictoires que l’on cadenasse d’ordinaire derrière notre masque social. Le retour du refoulé éclate alors au moment le plus inattendu. La chorégraphe se révèle particulièrement brillante pour décrire les contradictions et les ambiguïtés qui soulèvent le rire. C’est le cas par exemple lorsqu’un des danseurs est pris de courts spasmes frénétiques au milieu du flot tranquille de son amusement. De même, le visage de Lucius Romeo-Fromm, au premier abord hilare, laisse ainsi peu à peu apparaître des larmes que l’on ose très vite ne plus appeler « de joie ».

Ce n’est pas un hasard si la chorégraphe flamande monte pour la première fois une pièce pour un groupe. On rit rarement tout seul, mais le plus souvent avec quelqu’un, tout du moins en réaction a quelque chose. L’ambition de Lisbeth Gruwez est aussi de montrer que le rire lie les personnes, et permet parfois de former « un groupe ». S’éloignant toujours plus loin d’un rire convivial et débonnaire, la chorégraphe pousse l’analyse jusqu’à montrer que le rire peut aussi s’avérer être une arme. C’est face au public, regroupés en bande, que les danseurs s’avèrent les plus terrifiants. Agités par des rires démoniaques, les danseurs nous fixent comme pour nous faire mal, et l’on se recroqueville dans son fauteuil pour esquiver ces éclats de rire.

Travail sociologique aussi bien qu’exercice chorégraphique, « AH/HA » ne dépasse toutefois jamais le simple exposé des possibles. Si le motif de la pièce reste passionnant, il reste un peu frustrant de ne pas toujours partager l’émotion qui secoue la troupe.

« AH/HA »
Conception, chorégraphe et danse Lisbeth Gruwez
Composition, création son et assistant Maarten Van Cauwenberghe
Conseiller artistique Bart Meuleman
Costumes Véronique Branquinho
Répétitrice Marina Kaptijn
Lumières Harry Cole
Assistante à la lumière Caroline Mathieu
Avec Mercedes Dassy, Anne-Charlotte Bisoux, Lisbeth Gruwez, Vicente Arlandis Recuerda, Lucius Romeo-Fromm

Du 18 au 20 mars
A 21h

Théâtre de la Bastille
www.theatre-bastille.com
Réservation 01 43 57 42 14
76 rue de la roquette
Métro Bastille

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