ƒ Article d’Ulysse Di Gregorio

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Le Théâtre de la Ville (en binôme avec le Théâtre du Châtelet) accueille comme à l’accoutumée les créations de Pina Bausch. A l’instar de toutes les représentations, le public s’y rue, l’on y trouve la coterie des arts, les idoles et les habitués de la première heure. L’agitation à l’entrée, avec ses cortèges de petits papiers cartonnés « cherche une place », nous donne la mesure de la passion pour la défunte chorégraphe. Le prélude des spectacles de Pina Bausch, c’est l’effervescence, la bousculade, l’émulation entre idoles pour se procurer une place. Le spectacle qui s’intitule Agua est une reprise qui a été proposée au public pour la première fois en 2001. Le thème est une escale au Brésil, et si nous n’avons pas vu la création en 2001 cela peut nous évoquer un théâtre politique, revisité sur fond d’actualité et de crise politique à l’image de Dilma Rousseff qui est au bord de la démission. Non, ce sera une destination plus idyllique en proie aux inspirations printanières, un voyage au soleil rythmé par de chaudes musiques qui s’enchainent sur les pas des danseurs s’extasiant sur la plage de cocotier. Les serviettes de plage représentent des corps nus, privés de tête, dont se parent les danseurs ; un bananier ploie sur la scène, voilà l’une des nombreuses toiles que l’on peut apprécier. La trame narrative évocatrice de légèreté et d’insouciance nous porte aux quatre coins du Brésil, et la salle devient très vite une étuve où déjà se projettent en liesse nos vacances d’été. Les chorégraphies sont saccadées, lascives, charnelles, les corps s’entremêlent et se tissent. L’allégresse se fait l’égide du spectacle, et la spontanéité entre les danseurs fait éclore la sincérité. Les désirs des corps et la soif d’épanouissement se hissent à leurs cimes. C’est une cure de jouvence que d’assister à la représentation, cependant l’humour et la fantaisie ne sont pas, et ne font pas l’apanage d’une vie, encore moins d’une création. La chorégraphie ne nous transporte pas aux confins des mers, elle nous laisse sur le ponton. Les numéros se suivent et se ressemblent, nous assistons à une représentation au ton humoristique un peu trop évasif et superficiel. La clarté des images est ici trop forte et sous cette apparence de bien être, de décontraction, il nous manque l’ivresse du bonheur. C’est un spectacle en demi-teinte que nous qualifierons d’ersatz de spectacle au Club Méditerranée. Le commerce Bausch s’émousse et nous ne retrouverons pas la qualité d’antan, le leurre est de croire que nous pouvons ressusciter les morts alors que c’est d’eux-mêmes qu’ils ressuscitent. Aussi sincère que soit la troupe, aussi lucide et exigeante soit-elle, ce n’est plus Bausch et c’est usurper son nom que de l’apposer en titre de la création, quand bien même il s’agit d’une reprise. Il nous manque la figure de proue, la déesse tutélaire de la danse. Il nous manque Pina Bausch tout simplement.

Agua
mise en scène & chorégraphie
Pina Bausch
décor
Peter Pabst
costumes
Marion Cito
collaboration musicale
Matthias Burkert
Andreas Eisenschneider
collaboration
Marion Cito
Irene Martinez-Rios
Robert Sturm
musique
musique brésilienne,
Baden Powell, Caetano Veloso, David Byrne, Gilberto Gil, Bebel Gilberto, Nana Vasconcelos, Antonio Carlos Jobim, Luiz Bonfa, Bob Brookmeyer, Tom Ze, Grupo Batuque, Carlinhos Brown et Rosanna & ZeIia, Susana Barca, Amon Tobin, Bugge Wesseltoft, Sidsel Endresen, Julien Jacob, Mickey Hart, Tom Waits, Lura, The Tiger Lillies, St Germain, Leftfield, Troublemakers, PJ Harvey, Kenny Burrell and Ike Quebee, Chi-Ling Lui

Du 7 au 15 mai 2016 à 20h30, le dimanche à 17h

Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet
75004 Paris
réservations 01 42 74 22 77
theatredelaville-paris.com

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