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Adeno Nuitome, de Lola Molina, mis en scène par Lélio Plotton, La Manufacture, Festival d’Avignon 2021

Juil 06, 2021 | Commentaires fermés sur Adeno Nuitome, de Lola Molina, mis en scène par Lélio Plotton, La Manufacture, Festival d’Avignon 2021

 

 

© Jonathan Michel

 

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

« Adeno Nuitome », un drôle de nom, scientifico-poétique pour parler d’elle, la maladie, ou de lui le cancer. Mais c’est une histoire qui parle aussi d’Elle et de Lui comme chez Marguerite Duras, du couple, du quotidien, de faire durer l’amour, le désir, notamment quand l’imprévu s’invite, en particulier quand ce n’est pas le moment, parce que ce n’est jamais le moment de penser que l’on va mourir, surtout quand on a 30 ans.

Comment faire face à la maladie, comment la dire, la raconter sans susciter la pitié, la compassion ? Comment faire face à la probabilité de perdre l’autre ? C’est toute la réussite de ce texte sensible, avec des passages extrêmement puissants (en particulier sur le nom : « Mon nom est une urgence… »). Un texte (publié aux éditions théâtrales en 2021) par ailleurs sans concession, fuyant à grandes jambes le politiquement correct, tout en restant empathique, à la différence de ce médecin qui lui a confirmé que c’était le « hasard » qui avait frappé : « pas de bol »…

La mise en scène est sans doute ce qui est le moins abouti dans cette création. Le plateau jonché de fleurs des champs pour nous rappeler la retraite à la campagne, à côté du tapis en laine et du petit bureau en bois d’écriture crée une ambiance assez éloignée de celle de la cabane de La Vie dans les bois de Thoreau qui aurait pourtant inspiré l’auteur. La manipulation de ces végétaux à plusieurs reprises par les comédiens est même assez artificielle, alors que les déplacements des comédiens sur le plateau s’enchaînent par ailleurs très bien. Les deux écrans en fond de scène accompagnent en revanche assez bien le texte par les projections de milieux naturels (pour l’essentiel), même si le procédé est connu et moins original que le premier procédé.

Le texte mérite certainement davantage d’épure scénique. Il se suffit presque à lui-même d’autant qu’il a la chance d’être porté par deux excellents comédiens.

Le couple est très crédible, sans aucune fausse note. Il nous fait entrer peu à peu dans sa tendresse, son intimité, ses difficultés. Charlotte Ligneau se révèle au fil de la représentation, toute en délicatesse, grâce, avec des faux airs de Françoise Gillard, y compris dans les moments où elle explose, où elle s’insurge, où elle ne sait pas quoi faire de son amour à lui, celui qui s’exprime béatement quand il la voit écrire dans leur maison à la campagne où ils se sont retirés pour qu’elle y respire mieux, et qu’elle ne peut pas toujours écrire. La finesse du texte est remarquable dans l’expression mezza voce des paradoxes des ressentis amoureux, à travers des flash-back, des dialogues, ou des pensées qui s’expriment à voix haute. Elle l’aime follement et lui a d’ailleurs interdit de mourir, mais qu’il est difficile de s’accepter vraiment quand on est dans des registres différents ou des temps décalés, quand on se « met à faire des projets » que l’autre « ne comprend pas », quand l’un pense que l’autre « ne doit rien lui refuser ». Pourtant, leur amour survivra… jusqu’à la mort.

 

 

© Jonathan Michel

 

 

Adeno Nuitome, de Lola Molina

Mise en scène : Lélio Plotton

Avec : Charlotte Ligneau, Antoine Sastre

Scénographie Adeline Caron

Création lumières Maurice Fouilhé

Création sonore Bastien Varigault

 

Durée 1 h 20

Jusqu’au 25 juillet à 21 h 10, relâche les 12 et 19 juillet

 

 

Manufacture

2 rue des Ecoles

Avignon

www.lamanufacture.org

 

 

 

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